Les assises nationales de lutte contre les violences sexistes se sont ouvertes ce vendredi 25 novembre, à destination des professionnels avant l’ouverture au public, ce samedi 26 novembre. L’association Gynécologie sans frontières oeuvre pour que tous les professionnels de santé soient mobilisés pour un meilleur repérage des victimes de violences conjugales.
En 2019, la Haute autorité de santé (HAS) a émis une recommandation pour que tous les médecins généralistes interrogent leurs patientes pour savoir si elles vivent ou ont vécu des violences dans leur couple. Trois ans après, lorsqu’on interroge les femmes, trois sur cent seulement se souviennent avoir été questionnées à ce sujet.
Vendredi 25 novembre, lors de la première journée des assises nationales de lutte contre les violences sexistes, un atelier était consacré au repérage des victimes de violences conjugales par les professionnels de santé. Il était animé par Richard Matis, gynécologue obstétricien, président de Gynécologie sans frontières, et Isabelle Derrendinger, directrice de l’école des sages-femmes du CHU de Nantes et présidente du conseil de l’ordre des sages-femmes. Nous les avons interrogés.
Pourquoi la mobilisation des professionnels de santé est-elle importante dans la lutte contre les violences conjugales ?
Les professionnels de santé sont en première ligne pour détecter des victimes et les prendre en charge. Il est compliqué pour elles de franchir la porte d’un commissariat ou d’une association. Quand elles le font, en général, c’est qu’elles sont déjà avancées dans la prise de conscience. Mais le danger est là bien avant et les professionnels de santé peuvent le voir avant que ça ne dégénère. On ne parle pas que des médecins, mais de tous les professionnels, du kiné au dentiste, en passant par le pharmacien ou l’infirmier, soit 1 365 000 personnes en France.
Ils sont aussi les mieux placés pour constater les effets des violences conjugales sur la santé….
Une étude scientifique menée en 1998 a montré que de nombreuses maladies sont liées au psycho traumatisme créé par la répétition des violences conjugales. C’est le cas notamment du diabète, du cancer ou de l’insuffisance cardiaque. C’est parce que les violences font baisser l’immunité, c’est prouvé, et modifient la génétique. La bonne nouvelle, c’est que c’est réversible : lorsque le psycho traumatisme cesse, que la victime se retrouve dans un environnement bienveillant, les gênes se remodifient.
Quel message transmettez-vous aux professionnels de santé ?
Demander à une patiente si elle vit des violences fait désormais partie des questions que les médecins doivent poser dans le cadre du dossier médical, au même titre qu’on l’interroge pour savoir si elle fume ou si elle a un moyen de contraception. Aujourd’hui, les médecins généralistes ne posent cette question qu’à moins de 8 % de leurs patientes. Cette question, tous les professionnels de santé peuvent la poser. Et ce, sans faire de dépistage ciblé parce que les violences touchent absolument tout le monde et tous les milieux sociaux.
Comment poser une question aussi délicate ?
Il y avait une époque où poser la question du tabac aux femmes enceintes mettait mal à l’aise, tout comme l’alcool ou les problèmes d’incontinence. Ce ne sont plus des questions tabou, il faut faire pareil pour les violences. Il y a plein de façons de poser la question, encore faut-il être prêt à recevoir la réponse, être disposé psychiquement à le faire.
Surtout, que faire de cette parole une fois que la victime s’est confiée ?
Avant tout, lui dire : « Je vous crois », c’est essentiel. Et lui dire qu’elle n’y est pour rien, le seul responsable est l’agresseur. Ensuite, il faut apprécier le niveau de gravité et l’orienter vers les bons interlocuteurs. L’association Gynécologie sans frontières, qui a élargi son action aux violences conjugales et non plus seulement aux violences sexuelles, a créé en septembre 2022 une plateforme (violencesantéfemme.fr) qui se veut une aide pour tous les professionnels de santé, réunissant tous les outils nécessaires : protocoles, conduites à tenir, annuaire des acteurs locaux d’aide aux victimes avec une géolocalisation, etc.