Chronique littéraire Avril

« Notre silence nous a laissées seules » de Judith Chemla : un traité de courage.

 

« J’ai obéi à la violence.
Malgré moi.
Nous en sommes tous là.
Avant d’oser regarder le monde tel qu’il est.
Avant d’oser parler. »

En juillet 2022, Judith Chemla publie sur Instagram une photo de son visage tuméfié, assortie d’un texte dénonçant les violences et le harcèlement infligés par son ex-compagnon et père de sa fille, Yohan Manca. L’acteur et réalisateur a été condamné pour ces faits à huit mois de prison avec sursis.

Dans un livre intitulé Notre silence nous a laissées seules (Robert Laffont, 21 euros), paru jeudi 25 janvier, l’actrice et autrice démonte les ressorts de cette emprise. Elle raconte avoir déjà subi, dix ans auparavant, la violence de James Thierrée, acteur et metteur en scène de renom, et père de son premier enfant

Au fil de son récit, Judith Chemla fait le choix de ne pas nommer directement les deux hommes – baptisés « le prince » et « le loup » –, écrivant davantage pour dénoncer « une société qui encore aujourd’hui ne veut pas considérer les mécanismes implacables d’une domination brutale exercée sur les femmes et sur les enfants et, pire, y participe en refusant de nous en protéger ».

 

 

 

Violences conjugales: qu’est ce que c’est ?.

L’expression « violences conjugales » désigne l’ensemble des violences (physiques, psychologiques et économiques) commises au sein du couple par le conjoint, le ou la partenaire de Pacs ou d’union libre. Les violences conjugales sont punies par la loi et vous devez porter plainte si vous en êtes victime.

La violence conjugale peut être de la violence physique ou sexuelle, de la violence psychologique ou de la violence économique.

La violence physique se caractérise par l’emploi de gestes violents dans le but de vous blesser.

La violence sexuelle est un geste à caractère sexuel commis sans votre consentement, sous la menace ou le chantage.

Voici quelques exemples de violence physique et/ou sexuelle :

  • Être giflé
  • Recevoir des coups de poing, des coups de ceinture ou autre
  • Être tiré par les cheveux ou être poussé
  • Subir des attouchements sexuels sous la contrainte
  • Subir une relation sexuelle sous la contrainte

La violence psychologique est un comportement ou un ensemble d’actes qui visent à vous rabaisser ou à vous dénigrer.

Voici quelques exemples de violence psychologique :

  • Propos dévalorisants ou dénigrants, tenus en privé ou en public
  • Insultes
  • Menaces (de diffusion de vidéos à caractère sexuel par exemple)

La violence économique est un comportement qui vise à vous priver d’autonomie financière, et à vous placer sous le contrôle de votre conjoint, ou de votre partenaire de Pacs ou d’union libre.

Voici quelques exemples de violence économique :

  • Contrôle total des ressources du couple et de leur utilisation
  • Privation de ressources de l’autre membre du couple
  • Mise en danger de votre patrimoine (signature d’hypothèque, souscription de crédits à la consommation)

Vous êtes victime de violence conjugale si vous subissez un ou plusieurs des faits cités ci-dessus de la part de votre conjoint, ou de la part de votre partenaire de Pacs ou d’union libre.

Focus: Le contrôle coercitif

Le contrôle coercitif : un concept essentiel dans les violences conjugales

 

Aujourd’hui, des États s’orientent vers la criminalisation du contrôle coercitif dans leur réponse aux violences conjugales.

Malgré une prise de conscience grandissante de la notion du contrôle coercitif, elle est parfois confondue avec l’emprise ou la violence psychologique. Cependant, le contrôle coercitif est distinct de ces deux concepts.

Il est essentiel de comprendre ce type de comportement afin d’élaborer des politiques et des réponses adaptées.

Définition communément admise du contrôle coercitif

Le contrôle coercitif est défini comme un acte délibéré ou un schéma comportemental de contrôle, de contrainte ou de menace utilisé par un individu contre une personne, un/e partenaire intime ou un/e ex-partenaire, dans le but de la rendre dépendante, subordonnée et/ou de la priver de sa liberté d’action.

Les agresseurs intimident, humilient, surveillent, manipulent et/ou isolent afin d’exercer leur pouvoir et leur contrôle. Les tactiques, sur un laps de temps, peuvent être psychologiques, physiques, sexuelles, émotionnelles, administratives et/ou économiques.

L’auteur de contrôle coercitif isole souvent sa victime de toute forme de soutien, exploite ses ressources, l’empêche d’accéder à de nouvelles ressources, réglemente la vie quotidienne de la victime et la prive des moyens nécessaires pour accéder à l’indépendance, résister ou s’enfuir.

Le contrôle coercitif se distingue des agressions isolées.

Définitions, conceptualisations et termes alternatifs

Le terme « contrôle coercitif » est souvent utilisé de manière interchangeable avec d’autres termes, tels que « violence psychologique » , « violence émotionnelle », et « terrorisme patriarcal ou intime », bien qu’il y ait des différences de signification.(1)

Les termes violence « psychologique » et « émotionnelle » peuvent décrire certains aspects du contrôle coercitif, cependant ils n’intègrent pas d’autres éléments de ce dernier tels que le stalking (harcèlement par la traque), les violences physiques, les abus sexuels, administratifs et économiques.(2)

Le contrôle coercitif peut être mal compris et réduit à la violence psychologique et/ou l’emprise dans le contexte français. Depuis juillet 2010, les violences psychologiques au sein d’un couple qui « dégradent la qualité de la vie et provoquent une altération de l’état de santé physique ou mentale » sont une infraction pénale en France.(3)

Les personnes reconnues coupables risquent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et une amende de 75 000 €.(4)

Suite au Grenelle des violences conjugales en 2019, le gouvernement français a annoncé un certain nombre de mesures qu’il prendra pour lutter contre les violences conjugales.(5)

La notion de l’emprise a ensuite été incluse dans la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020, qui vise à protéger les victimes de violences conjugales.(6)

Le terme emprise, qui signifie être sous l’influence ou la domination d’une autre personne, est souvent mal traduit et mal interprété comme « contrôle coercitif ».

Le contrôle coercitif se concentre sur le schéma d’un comportement oppressif et répétitif de l’auteur envers sa victime, comme la privation de droits et de ressources, la surveillance ainsi que la micro-régulation et le contrôle du comportement.(7)

L’emprise, quant à elle, peut être définie comme ce que vit la victime et n’est qu’un aspect du contrôle coercitif.(8)

Le contexte européen

La Convention du Conseil de l’Europe sur la Prévention et la Lutte contre la Violence à l’égard des Femmes et la Violence Conjugale (Convention d’Istanbul) utilise le terme « violence psychologique », au lieu de « contrôle coercitif », pour décrire une infraction intentionnelle « portant gravement atteinte à l’intégrité psychologique d’une personne par la contrainte ou la menace. »(9)

Bien que le contrôle coercitif ne soit pas spécifiquement reconnu dans la Convention, les articles 33 et 46 sont pertinents lorsqu’on considère le contrôle coercitif comme une forme répétée ou continue de violence psychologique.(10)

Comportements et tactiques des auteurs de contrôle coercitif

Les auteurs utilisent souvent une combinaison de tactiques et/ou tirent parti de faiblesses ou d’insécurités perçues afin d’exercer leur pouvoir et leur contrôle sur la victime. Voici quelques exemples, non exhaustifs, de ces comportements :

  • isoler la personne de ses amis et de sa famille ;
  • la priver de ses besoins fondamentaux ;
  • surveiller son emploi du temps ;
  • la surveiller via des outils de communication en ligne ou des logiciels espions ;
  • prendre le contrôle de certains aspects de sa vie quotidienne, comme les endroits où elle peut aller, les personnes qu’elle peut voir, ce qu’elle peut porter et quand elle peut dormir
  • la priver de l’accès à des services de soutien, tels qu’une aide spécialisée ou des services médicaux ;
  • la rabaisser de façon répétée, par exemple en lui disant qu’elle ne vaut rien ;
  • appliquer des règles et des activités humiliantes, dégradantes ou déshumanisantes pour la victime
  • forcer la victime à prendre part à des activités criminelles, telles que la négligence ou la maltraitance d’enfants, pour la faire culpabiliser et s’assurer qu’elle n’alerte pas les autorités ;
  • abuser financièrement de la victime,  en ne lui accordant, par exemple, qu’une allocation dérisoire ;
  • menacer de blesser ou de tuer ;
  • menacer un enfant ;
  • menacer de révéler ou de publier des informations privées (par exemple, menacer de révéler l’orientation ou l’identité sexuelle de quelqu’un contre son gré) ;
  • agresser ;
  • infliger des dommages criminels, comme la destruction d’articles ménagers ;
  • violer ;
  • empêcher une personne d’avoir accès aux transports ou de travailler.(11)

Un cas médiatisé de contrôle coercitif ayant entraîné la mort

Le 19 février 2020, Rowan Baxter a assassiné son ancienne compagne Hannah Clarke et leurs trois enfants dans le Queensland, en Australie.(12)

Hannah Clarke avait subi des années de violences psychologiques, économiques et sexuelles de la part de son conjoint, qui contrôlait et surveillait ses déplacements, les personnes qu’elle pouvait voir, ce qu’elle pouvait porter, son accès à l’argent, et menaçait de nuire à leurs enfants si elle n’avait pas de relations sexuelles avec lui. Les tactiques utilisées dans ce cas sont toutes des exemples de contrôle coercitif. Les violences ont également continué après que Clarke a quitté Baxter, quelques mois avant qu’il ne l’assassine.

Statistiques clés

  • Le sociologue et travailleur social médico-légal américain Evan Stark a publié un rapport en 2012, qui a révélé qu’entre 60 et 80 % des femmes qui demandent de l’aide pour des violences conjugales ont subi un contrôle coercitif, y compris de multiples tactiques pour les effrayer, les isoler, les dégrader et les subordonner, ainsi que des agressions et des menaces.(13)
  • Au cours de l’année se terminant en mars 2020, 24 856 infractions de contrôle coercitif ont été enregistrées par la police en Angleterre et au Pays de Galles, contre 16 679 au cours de l’année se terrminant en mars 2019. Cette augmentation pourrait être attribuée aux améliorations apportées par la police pour reconnaître les incidents de contrôle coercitif et, en conséquence, à l’utilisation du Serious Crime Act de 2015.(14)
  • Au cours de l’année se terminant en décembre 2019, 1 057 prévenus ont été poursuivis en Angleterre et au Pays de Galles pour comportements contrôlants ou coercitifs en combinaison avec une autre infraction. Les coups et blessures ordinaires étaient l’infraction pour laquelle les défendeurs étaient le plus souvent poursuivis, combiné à un comportement de contrôle ou de coercition.(15)
  • Un examen des homicides liés aux violences conjugales en Nouvelle-Galles du Sud, en Australie, entre mars 2008 et juin 2016, a révélé que sur 112 homicides, 111 comportaient des tactiques de contrôle coercitif par l’agresseur sur sa victime avant de l’assassiner.(16)

Arguments en faveur de la criminalisation du contrôle coercitif

Les partisans de la criminalisation du contrôle coercitif affirment que ces lois contribueraient à modifier la manière dont les autorités comprennent et répondent à la violence de genre et à mieux tenir les auteurs pour responsables, en se concentrant sur la violence conjugale en tant que schéma de violence, plutôt qu’en tant qu’incidents isolés.(17)

La criminalisation du contrôle coercitif améliorerait la prise de conscience de la société et renforcerait la sécurité des femmes en se concentrant sur les schémas de violence plutôt que sur des incidents isolés, et sur toutes les formes de violence plutôt que sur la seule violence physique.(18)

L’introduction du contrôle coercitif dans les codes pénaux permettrait aux procureurs d’accéder à davantage de preuves pour établir la présence de violences conjugales y compris, entre autres, aux documents financiers, à des communications téléphoniques et numériques, et aux déclarations de témoins.(19)

Arguments contre la criminalisation du contrôle coercitif

Les opposants à la criminalisation du contrôle coercitif soutiennent qu’une réforme législative réussie reposerait sur la volonté et la capacité des victimes à impliquer la police. Cependant, les victimes hésitent souvent à signaler les sévices.(20)

Cela peut être dû à la peur de ne pas être crues, que les violences s’intensifient si la police intervient, ou d’être tenues responsables de sévices commis à leur encontre.

Pour les affaires portées devant les tribunaux, une question clé est de savoir comment prouver la coercition. Considérées individuellement, de nombreuses tactiques de contrôle coercitif ne sont pas criminelles, ce qui peut rendre l’obtention de preuves difficile.

Sans une réflexion approfondie, la criminalisation du contrôle coercitif peut donner aux victimes un faux sentiment de sécurité qui, à son tour, pourrait nuire à leur sécurité.

Légiférer sur l’infraction du contrôle coercitif peut également encourager les forces de l’ordre à attendre l’émergence d’un modèle de violence avant de procéder à une arrestation, plutôt que d’agir sur un incident isolé.(21)

Certains affirment que la criminalisation du contrôle coercitif pourrait avoir un effet négatif sur les populations marginalisées qui, dans de nombreux pays, sont déjà confrontées à des problèmes d’interventions policières excessives et de discrimination raciale.(22)

Les barrières linguistiques, par exemple, pourraient conduire à une mauvaise identification de l’auteur et empêcher la police de bien comprendre la situation.

Les partisans de la criminalisation du contrôle coercitif affirment que ces problèmes peuvent être résolus par une législation soigneusement rédigée, des investissements dans la formation des officiers de justice et l’éducation du public.

Pays ayant criminalisé le contrôle coercitif, pays examinant le contrôle coercitif

En 2015, l’Angleterre et le Pays de Galles sont devenus les premiers pays au monde à légiférer contre « les comportements de contrôle ou de coercition dans une relation intime ou familiale », avec l’adoption de la loi Serious Crimes Act de 2015, rendant le contrôle coercitif passible d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison.(23)

Après l’Angleterre et le Pays de Galles, en 2018, l’Écosse et l’Irlande ont adopté des lois similaires sur le contrôle coercitif et les violences conjugales.(24)

L’État de Tasmanie en Australie est devenu la première juridiction du pays à inclure des infractions spécifiques pour criminaliser des éléments du contrôle coercitif, tels que l’intimidation, la violence économique et psychologique.(25)

Toutefois, de plus en plus d’appels sont lancés pour que le contrôle coercitif devienne une infraction pénale dans toute l’Australie. En septembre 2020, le parti Labor du NSW a présenté au Parlement un projet de loi visant à criminaliser le contrôle coercitif, avec une peine maximale de dix ans.(26)

En novembre de la même année, une alliance fédérale multipartite a été formée, appelant à une approche nationale pour comprendre et criminaliser le contrôle coercitif.(27)

Le gouvernement du Queensland a également annoncé cette année son intention de mettre en place un groupe de travail indépendant chargé de mener des consultations sur une éventuelle législation en matière de contrôle.(28)

Législation des meilleures pratiques pour criminaliser le contrôle coercitif.

Le Domestic Abuse Act écossais de 2018 sur les violences conjugales, qui est entré en vigueur le 1er avril 2019, est considéré comme la référence absolue au niveau mondial pour la criminalisation du contrôle coercitif et des violences conjugales.(29)

Votée à l’unanimité par le gouvernement écossais, la législation crée une infraction spécifique de « comportement abusif envers [un/une] partenaire ou ex-partenaire , qui couvre non seulement les violences physiques, mais aussi les sévices psychologiques et les comportements coercitifs et contrôlants.(30)

Il peut s’agir d’un agresseur qui isole sa victime de ses amis et de ses proches, qui contrôle ses activités quotidiennes, qui l’effraie ou l’humilie.(31)

Conformément à la Convention d’Istanbul, la législation écossaise reconnaît également l’impact négatif de la violence conjugale et du contrôle coercitif sur les enfants

TÉTEMOIGNAGE – Sonia, victime de violences conjugales : « Il me frappait, il a même voulu m’étrangler »

Sonia a rencontré son ex-compagnon il y a huit mois. Leur relation en a duré six et et a elle a subi des violences tout le long. Insultes, coups, viols. Elle raconte son calvaire, ce jeudi 25 novembre, journée contre les violences faites aux femmes. Attention, certains propos peuvent choquer.

Sonia est Icaunaise. Il y a huit mois, elle a rencontré son ex-compagnon. Leur relation a duré six mois pendant lesquels elle a été victime de violences conjugales. Elle accepte d’en parler ce jeudi 25 novembre, date de la journée internationale contre les violences faites aux femmes. 

La rencontre, puis la descente aux enfers

Au départ, tout commence plutôt bien. « On peut dire que c’était le début d’une belle histoire, parce qu’il m’a charmée et j’ai craqué sur lui. Des roses, du champagne, une bouteille de premier cru. Voilà le truc idéal, comme toute femme rêve« , raconte Sonia.

Mais le conte de fée tourne rapidement au cauchemar. Elle emménage chez lui, un mois après leur rencontre. C’est à ce moment-là que la descente aux enfers commence. « Là, c’était fini. J’avais signé mon arrêt de mort » confie-t-elle, les larmes aux yeux.

« Ce que j’ai vécu, c’est être persécutée tous les jours », raconte Sonia.

Ça a commencé par des insultes, puis des coups. C’est ensuite allé crescendo dans la violence. « Il m’humiliait. Il m’a craché dessus, craché dessus vous vous rendez compte ? Il m’a jeté de l’eau bouillante. Je lui disais d’arrêter, que j’avais mal, je pleurais, mais rien à faire. Il me frappait. Il a même voulu m’étrangler« , énumère Sonia. Cette femme de 42 ans est encore sous le choc, des mois après leur séparation.

Sonia raconte également avoir été victime de viols. « Il faisait ce qu’il voulait de moi, j’étais sa chose. Il m’a violée. Je ne savais même pas que le viol entre conjoint pouvait exister et pourtant les gendarmes me l’ont dit. Aujourd’hui, je le sais, je n’étais pas consentante. J’ai été violée à plusieurs reprises ! » s’exclame-t-elle.

Elle veut monter une association pour aider les femmes victimes de violences

Le choc laisse place à la détermination. « Je pense qu’au fur et à mesure que le temps va passer, j’arriverai à aller de l’avant. Je prends mon temps. Et je sais que je me dévouerai à cette cause. Je veux monter une association. Je veux toutes les aider« , explique Sonia.

Elle estime que la prise en charge de victimes de violences conjugales laisse à désirer. « J_e suis allée à la gendarmerie et je n’ai pas été correctement prise en charge »_ confie-t-elle_. « Ils ne m’ont même pas informée de mon droit à faire ma déposition en présence d’un avocat !_ » s’insurge-t-elle.

Pour elle, il n’y a pas de suivi pour les victimes. « Cet été, je suis allée me réfugier chez une amie. J’avais déjà porté plainte une fois. Il m’a retrouvée et je l’ai vu chercher ma voiture, tourner dans le quartier. Lorsque j’ai appelé les gendarmes, leur réponse m’a scotchée » poursuit-elle, en colère.

« Ils m’ont dit que la rue était un lieu public et qu’ils n’allaient pas intervenir. Mais enfin ! Ils se doutent bien que s’il me cherche, ce n’est pas pour me faire un bisou ! » conclut-elle.

Les plaintes ont abouti et Sonia a rendez-vous au tribunal, où son ex-conjoint doit être jugé à partir de la semaine prochaine.

Violences conjugales : c’est quoi le « téléphone grave danger » ?

Un homme de 26 ans a été abattu, mercredi, après avoir ouvert le feu sur les forces de l’ordre. Il s’est présenté au domicile de son ex-compagne qui a alors appelé la police grâce à son « téléphone grave danger ».1

À Noisy-le-Grand, en Seine-Saint-Denis, mercredi 7 février, un homme de 26 ans est mort dans un échange de tirs avec la police. Il s’était rendu au domicile de son ex-compagne, munie d’un « téléphone grave danger ».

C’est un simple téléphone, distribué sur décision du procureur de la République à des victimes de violences domestiques, avec leur accord. Pour qu’il leur soit distribué il faut réunir trois conditions :
⦁    La victime doit être dans une situation de grave danger
⦁    Elle ne doit plus habiter avec son agresseur
⦁    Cet agresseur doit faire l’objet d’une mesure judiciaire d’interdiction d’entrer en contact avec elle

Le dispositif a été mis à l’essai en 2009 puis généralisé, à partir de 2014. Il existe aujourd’hui 5 500 téléphones de ce genre. Environ 4 000 ont été attribués.

Le fonctionnement est très simple, la personne en possession du téléphone pousse un bouton. Cette manipulation déclenche immédiatement un appel avec un centre d’assistance ouvert 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Le télé-assisteur s’assure alors que la détentrice du téléphone est en danger, et que ce n’est pas une mauvaise manipulation, puis il alerte la police qui intervient immédiatement grâce à la géolocalisation du téléphone.

2 400 interventions de la police en 2022

Et ça marche, si l’on en croit Ernestine Ronai, la responsable de l’Observatoire des violences faites aux femmes en Seine-Saint-Denis. C’est elle qui est à l’origine du « téléphone grave danger », elle l’a imaginé après un voyage en Espagne en 2007 où elle a observé un dispositif similaire. Selon elle, depuis que le « téléphone grave danger » a été mis en place en Seine-Saint-Denis, environ 500 femmes et 700 enfants ont pu être secourus. Dans toute la France, d’après les chiffres du ministère de la Justice, la police est intervenue plus de 2 400 fois rien que sur l’année 2022 grâce à ce téléphone.

Peut-on l’améliorer quand même ? Là aussi, Ernestine Robai répond oui. Le dispositif est efficace, mais il faut en distribuer plus selon elle. Il y en a 5 500 en France, mais elle estime qu’il en faudrait plus de 7 000. Le problème, selon elle, c’est l’appréciation du danger qui est insuffisante. Il faut plus croire les femmes, explique-t-elle, dès qu’une femme dit qu’elle a peur il faut lui remettre un « téléphone grave danger ».

Enfin les femmes qui n’osent pas porter plainte, par crainte de leur conjoint ou par peur de ne pas être crues, ne peuvent pas bénéficier de cette protection. Malgré ce dispositif, il y a eu 118 féminicides en France en 2022, dernier chiffre consolidé par le ministère de l’Intérieur.