TÉTEMOIGNAGE – Sonia, victime de violences conjugales : « Il me frappait, il a même voulu m’étrangler »

Sonia a rencontré son ex-compagnon il y a huit mois. Leur relation en a duré six et et a elle a subi des violences tout le long. Insultes, coups, viols. Elle raconte son calvaire, ce jeudi 25 novembre, journée contre les violences faites aux femmes. Attention, certains propos peuvent choquer.

Sonia est Icaunaise. Il y a huit mois, elle a rencontré son ex-compagnon. Leur relation a duré six mois pendant lesquels elle a été victime de violences conjugales. Elle accepte d’en parler ce jeudi 25 novembre, date de la journée internationale contre les violences faites aux femmes. 

La rencontre, puis la descente aux enfers

Au départ, tout commence plutôt bien. « On peut dire que c’était le début d’une belle histoire, parce qu’il m’a charmée et j’ai craqué sur lui. Des roses, du champagne, une bouteille de premier cru. Voilà le truc idéal, comme toute femme rêve« , raconte Sonia.

Mais le conte de fée tourne rapidement au cauchemar. Elle emménage chez lui, un mois après leur rencontre. C’est à ce moment-là que la descente aux enfers commence. « Là, c’était fini. J’avais signé mon arrêt de mort » confie-t-elle, les larmes aux yeux.

« Ce que j’ai vécu, c’est être persécutée tous les jours », raconte Sonia.

Ça a commencé par des insultes, puis des coups. C’est ensuite allé crescendo dans la violence. « Il m’humiliait. Il m’a craché dessus, craché dessus vous vous rendez compte ? Il m’a jeté de l’eau bouillante. Je lui disais d’arrêter, que j’avais mal, je pleurais, mais rien à faire. Il me frappait. Il a même voulu m’étrangler« , énumère Sonia. Cette femme de 42 ans est encore sous le choc, des mois après leur séparation.

Sonia raconte également avoir été victime de viols. « Il faisait ce qu’il voulait de moi, j’étais sa chose. Il m’a violée. Je ne savais même pas que le viol entre conjoint pouvait exister et pourtant les gendarmes me l’ont dit. Aujourd’hui, je le sais, je n’étais pas consentante. J’ai été violée à plusieurs reprises ! » s’exclame-t-elle.

Elle veut monter une association pour aider les femmes victimes de violences

Le choc laisse place à la détermination. « Je pense qu’au fur et à mesure que le temps va passer, j’arriverai à aller de l’avant. Je prends mon temps. Et je sais que je me dévouerai à cette cause. Je veux monter une association. Je veux toutes les aider« , explique Sonia.

Elle estime que la prise en charge de victimes de violences conjugales laisse à désirer. « J_e suis allée à la gendarmerie et je n’ai pas été correctement prise en charge »_ confie-t-elle_. « Ils ne m’ont même pas informée de mon droit à faire ma déposition en présence d’un avocat !_ » s’insurge-t-elle.

Pour elle, il n’y a pas de suivi pour les victimes. « Cet été, je suis allée me réfugier chez une amie. J’avais déjà porté plainte une fois. Il m’a retrouvée et je l’ai vu chercher ma voiture, tourner dans le quartier. Lorsque j’ai appelé les gendarmes, leur réponse m’a scotchée » poursuit-elle, en colère.

« Ils m’ont dit que la rue était un lieu public et qu’ils n’allaient pas intervenir. Mais enfin ! Ils se doutent bien que s’il me cherche, ce n’est pas pour me faire un bisou ! » conclut-elle.

Les plaintes ont abouti et Sonia a rendez-vous au tribunal, où son ex-conjoint doit être jugé à partir de la semaine prochaine.

Témoignage: La violence conjugale n’est pas que physique

Madame K. a raison, quand on parle de violence conjugale, on pense tout de suite à la violence physique. Les claques, les coups, les viols. Mais Madame K, elle, a vécu l’enfer de la violence psychologique. Qui détruisent petit à petit celle ou lui qui la subit de l’intérieur. Voici son témoignage.

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{TÉMOIGNAGE} QUAND LA VIOLENCE CONJUGALE EST PSYCHOLOGIQUE

DANS CE TYPE DE VIOLENCE, LES MOTS ENGENDRENT LES MAUX

Et, sans aucune douleur physique, on se retrouve à être possédée par un individu, à être réduite à un tout petit rien qui lui appartient, à ne plus être nous-même, à accepter des mots inacceptables, à avoir tout autant peur de cet individu « et s’il passait à l’étape suivante ? et s’il se mettait à me frapper ? au moins, il y aurait des traces et quelqu’un finirait peut-être par le voir et me sortir de là…. ? » mais non, cet individu utilisent encore et toujours les mots, et, encore et toujours, il vous rabaisse de plus en plus, et ses mots et les maux s’insinuent de plus en plus profondément dans votre esprit, sans que personne ne s’en rende compte, sans que personne n’agisse… et vous vous sentez seule face à cet individu qui vous possède mentalement et ne lâchera pas son emprise psychique sur vous.

De toute façon « je ne suis rien »…. s’il me traite de cette façon, c’est que c’est ce que je vaux uniquement…

J’AI VÉCU PENDANT 2 ANS AVEC CETTE VIOLENCE PSYCHIQUE / MENTALE

Des mots horribles, des mots qui font mal, des mots qui vous renferment, des mots qui vous assiègent, des mots qui vous détruisent…

J’avais 20 ans, je rencontre un jeune homme qui semble charmant, bien sous tout rapport, très mignon, dans le même domaine professionnel que moi… parfait ! je viens de tomber sur l’homme parfait !
Mais au bout de quelques semaines/mois de bonheur sans faille, commence les sorties avec ces amis, et les beuveries… des soirées entières le week end à picoler avec ces potes « Non toi, tu ne boiras pas une goutte, tu dois nous ramener » ok… je suis Sam, ça ne me dérange pas, de toute façon, l’alcool, c’est pas mon truc. Et le charmant gentleman se transforme « d’où tu regardes ce type ? pourquoi il est venu te demander l’heure à toi ? Tu n’es qu’une p*** c’est ça que tu veux, qu’il te prenne ? allez va le retrouver sal***«

Un langage fleuri pour me faire comprendre que je ne suis rien… pourquoi je ne réagit pas ? pourquoi je me laisse faire et traiter de la sorte ? En fait, à ce moment, son emprise est déjà faite sur moi…

Durant les semaines/mois qui ont précédé ces soirées, il a fait son « travail » : me couper petit à petit de ma famille, de mon meilleur ami, de mes collègues… Doucement et de façon insidieuse, il s’est immiscé dans mes relations tout en faisant en sorte que je tombe amoureuse, et devienne plus faible vis-à-vis de lui petit à petit. Ce n’était pas très compliqué à cette époque, je sortais d’une maladie qui m’avait épuisé physiquement et psychologiquement… il en a profité…

Et puis des mots en soirées, ce sont des mots en semaine, sans alcool qui sont arrivés, toujours tout doucement « pourquoi t’as répondu au téléphone, c’était qui ? » « non mais t’as vu comment tu étais habillée pour qu’on voit mes potes ? ils t’ont tous pris pour une p***«
Des phrases pour me blesser au plus profond « C’est dommage, j’étais à 2 doigts de tomber amoureux de toi » cette phrase est restée à tourner en boucle dans ma tête… que faire pour qu’il tombe amoureux de moi, qu’il me fasse enfin confiance… et bien évidemment, j’acceptais de plus en plus ses mots, s’il les disait, c’est que c’était de ma faute, que je n’étais pas encore assez bien…

JE ME SUIS ÉTEINTE PETIT À PETIT…

Je n’étais plus qu’une plante verte à ses côtés au milieu de la foule, je n’avais plus aucune personnalité, et étais persuadée de n’être rien, de ne rien valoir… il m’a détruite sans douleur physique… il m’a détruite avec ses mots.

Mon échappatoire ? je suis partie faire mes études dans une ville à 2h de cet individu… et j’ai réussi petit à petit à me détacher, à lui faire croire que je devais réviser pour ne pas le retrouver le week-end. J’ai repris confiance en moi très doucement, mais surement, j’ai repris contact avec mes amis et j’ai finalement eu le courage de le quitter. J’ai mis du temps à me remettre complètement de cette « histoire »… plusieurs années pour de nouveau faire confiance et tomber amoureuse. Je suis passée par des phases difficiles mais j’ai réussi à surmonter tout ça et suis aujourd’hui heureuse et mariée à un chéri qui comprend ce par quoi je suis passée et qui, pendant longtemps, m’a réappris à m’aimer moi-même, à croire en moi pour de bon… à me reconstruire.

La violence psychique existe, et il faut aussi en parler, parce qu’elle détruit11

 

Témoignage:  » «J’ai laissé passer les premiers coups en me disant que c’était de ma faute»

Des violences verbales qui deviennent des violences physiques : c’est la spirale décrite par Clémence qui a mis du temps à porter plainte contre son agresseur par peur des conséquences. Des manifestations sont prévues dans plusieurs grandes villes de France, ce 25 novembre, journée de lutte contre les violences faites aux femmes, pour dénoncer ce fléau et demander une meilleure protection des victimes.

Clémence a 34 ans, elle est mère de quatre enfants. Pendant un an, elle a été battue par son conjoint. Ce dernier n’a pas accepté que Clémence veuille se séparer de lui. La jeune femme qui travaille en Ardèche explique la spirale de la violence. Tout commence par une agressivité verbale : « Il me parlait comme jamais, il ne m’avait parlé, et j’avais l’impression, en fait, de voir en face de moi un inconnu, alors qu’on avait partagé 14 ans de vie commune ». Une violence que la jeune femme commence par nier : « J’ai laissé passer les premiers coups en me disant que c’était presque de ma faute parce que je le rendais fou et qu’il était malheureux, et que du coup ça dérapait, mais que ce n’était pas très grave ».

Les enfants de Clémence ont malheureusement assisté à ces scènes. Et c’est ce qui, pour elle, a été l’élément déclencheur. « C’est la première fois que j’ai porté plainte, parce qu’il m’a frappé devant les enfants, en me laissant vraiment au sol, en sang, devant eux. Suite à l’altercation devant les enfants, j’ai compris et je me suis dit que s’il n’arrêtait pas de taper, il allait me tuer devant eux ».

La peur, un obstacle omniprésent

Un dépôt de plainte qui pourtant n’est que le début d’un long parcours. Devant les instances policières puis judiciaires, en passant par les consultations médico-légales, les travailleurs sociaux de l’aide sociale à l’enfance aussi. Un chemin de croix qui se heurte aux manques de moyens des pouvoirs publics. Mais parfois aussi aux errements psychologiques des victimes qui parfois reviennent sur leurs accusations, comme l’explique, Blandine Weck de Terris avocate.

« Une femme victime qui me dit : ‘Je veux retirer ma plainte’, souvent quand je lui demande : ‘Ah bon, pourquoi ?’, elles me disent rarement ‘parce que j’ai menti’. Elles vont plutôt me dire ‘Parce que je ne veux pas qu’il ait de problème’, et ce n’est pas du tout la même choseTrès souvent, elles maintiennent ce qu’elles ont pu dire dans leur plainte. En fait, elles ont peur de porter la responsabilité des conséquences futures que peuvent avoir leur déclaration, et moi, mon travail, en tant qu’avocate de victimes de violences conjugales, c’est de leur dire : ‘Le fautif, c’est lui. S’il est sanctionné, ce n’est pas à cause de vous qui avait déposé plainte, c’est éventuellement à cause du tribunal, parce que c’est lui qui condamne, mais c’est surtout à cause de lui’. De toute façon, une personne qui retire sa plainte, que ce soit pour des violences conjugales ou pour n’importe quelle infraction, n’importe quel fait, ça n’empêche absolument pas le procureur de décider de poursuites malgré tout, parce que ce n’est pas la victime qui décide s’il doit y avoir un procès, s’il doit y avoir un jugement, une condamnation, c’est le procureur, ou la procureure, qui demande au tribunal de condamner telle personne et après, le tribunal condamne, ou ne condamne pas, selon les éléments de preuve qu’il y a dans le dossier ».

Une protection des victimes difficiles à mettre en œuvre faute de moyens

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Pour prévenir ces violences conjugales, pour sanctionner leurs auteurs, un important arsenal législatif a été mis en place au fur et à mesure des années. L’accent a notamment été mis sur la prévention des récidives et la protection des victimes qui devront désormais obligatoirement être averties lors de la sortie de prison du conjoint. C’est ce que prévoit un décret, entré en vigueur le 1 février 2022. Le texte précise que l’autorité judiciaire devra alors « expressément » s’interroger sur la nécessité de mettre en place des mesures de protection pour ces victimes.

Une application rendue quasi impossible par l’absence de moyens ad hoc débloqués et la surcharge de travail qui incombe déjà aux magistrats, regrette Albertine Munoz, juge d’application des peines au tribunal de Bobigny : « Les moyens qu’on a actuellement ne nous permettent pas de faire ce signalement dans des délais qu’on estime satisfaisants. Demander l’avis à la victime, c’est aussi savoir si elle veut bénéficier d’un dispositif de protection, comme le bracelet anti-rapprochement. Et cela demande une organisation en amont. On doit solliciter les associations d’aide aux victimes, le greffe des établissements pénitentiaires. Pour peu que la victime n’habite pas dans le département dans lequel la personne condamnée vit ou est incarcérée, il faut qu’on repasse par d’autres intermédiaires. Si la personne condamnée a commis les faits il y a très longtemps, il faut qu’on arrive même à localiser la victime, vous voyez, on en est à ce stade-là ! ».

Des investigations lourdes, difficiles à réaliser, constate la juge interrogée sur RFI puisque les nouvelles réformes ont été réalisées à effectifs constants, sans aucun moyen supplémentaire. La plupart des services d’application des peines ne sont pas en état de les mettre en place. Il n’y a aucun mécanisme, par exemple, de centralisation des associations d’aide aux victimes. « Je peux prendre contact avec une association qui va me répondre qu’elle n’est pas compétente pour tel territoire, ou pour tel dispositif de protection, poursuit la juge. Vous voyez, on perd énormément de temps, alors que moi, j’ai toujours mes mille dossiers à gérer. Avec ma greffière, on est censées aller à cette pêche aux informations dans des dossiers très sensibles ».

Témoignage :  » Sonia, victime de violences conjugales : « Il me frappait, il a même voulu m’étrangler »

Sonia a rencontré son ex-compagnon il y a huit mois. Leur relation en a duré six et et a elle a subi des violences tout le long. Insultes, coups, viols. Elle raconte son calvaire, ce jeudi 25 novembre, journée contre les violences faites aux femmes. Attention, certains propos peuvent choquer.

Sonia est Icaunaise. Il y a huit mois, elle a rencontré son ex-compagnon. Leur relation a duré six mois pendant lesquels elle a été victime de violences conjugales. Elle accepte d’en parler ce jeudi 25 novembre, date de la journée internationale contre les violences faites aux femmes. 

La rencontre, puis la descente aux enfers

Au départ, tout commence plutôt bien. « On peut dire que c’était le début d’une belle histoire, parce qu’il m’a charmée et j’ai craqué sur lui. Des roses, du champagne, une bouteille de premier cru. Voilà le truc idéal, comme toute femme rêve« , raconte Sonia.

Mais le conte de fée tourne rapidement au cauchemar. Elle emménage chez lui, un mois après leur rencontre. C’est à ce moment-là que la descente aux enfers commence. « Là, c’était fini. J’avais signé mon arrêt de mort » confie-t-elle, les larmes aux yeux.

« Ce que j’ai vécu, c’est être persécutée tous les jours », raconte Sonia.

Ça a commencé par des insultes, puis des coups. C’est ensuite allé crescendo dans la violence. « Il m’humiliait. Il m’a craché dessus, craché dessus vous vous rendez compte ? Il m’a jeté de l’eau bouillante. Je lui disais d’arrêter, que j’avais mal, je pleurais, mais rien à faire. Il me frappait. Il a même voulu m’étrangler« , énumère Sonia. Cette femme de 42 ans est encore sous le choc, des mois après leur séparation.

Sonia raconte également avoir été victime de viols. « Il faisait ce qu’il voulait de moi, j’étais sa chose. Il m’a violée. Je ne savais même pas que le viol entre conjoint pouvait exister et pourtant les gendarmes me l’ont dit. Aujourd’hui, je le sais, je n’étais pas consentante. J’ai été violée à plusieurs reprises ! » s’exclame-t-elle.

Elle veut monter une association pour aider les femmes victimes de violences

Le choc laisse place à la détermination. « Je pense qu’au fur et à mesure que le temps va passer, j’arriverai à aller de l’avant. Je prends mon temps. Et je sais que je me dévouerai à cette cause. Je veux monter une association. Je veux toutes les aider« , explique Sonia.

Elle estime que la prise en charge de victimes de violences conjugales laisse à désirer. « J_e suis allée à la gendarmerie et je n’ai pas été correctement prise en charge »_ confie-t-elle_. « Ils ne m’ont même pas informée de mon droit à faire ma déposition en présence d’un avocat !_ » s’insurge-t-elle.

Pour elle, il n’y a pas de suivi pour les victimes. « Cet été, je suis allée me réfugier chez une amie. J’avais déjà porté plainte une fois. Il m’a retrouvée et je l’ai vu chercher ma voiture, tourner dans le quartier. Lorsque j’ai appelé les gendarmes, leur réponse m’a scotchée » poursuit-elle, en colère.

« Ils m’ont dit que la rue était un lieu public et qu’ils n’allaient pas intervenir. Mais enfin ! Ils se doutent bien que s’il me cherche, ce n’est pas pour me faire un bisou ! » conclut-elle.

Les plaintes ont abouti et Sonia a rendez-vous au tribunal, où son ex-conjoint doit être jugé à partir de la semaine prochaine.

Témoignages : « J’ai été sauvé de la violence conjugale par un élan de solidarité sur internet »

Victime d’une tentative de meurtre par son conjoint, abandonnée par la justice, Laura a lancé un SOS sur Twitter pour mobiliser l’opinion publique.

Laura Rapp, 33 ans, a refusé la fatalité de mourir sous les coups de son ex-conjoint. Sans protection aucune face à lui, elle a livré bataille pour sauver sa vie et celle de sa fille Alice, avec tous les moyens à sa disposition. Notamment en mobilisant l’opinion publique grâce aux réseaux sociaux et aux médias. Aujourd’hui, elle vient de publier un livre Tweeter ou mourir, (éd. Michalon), où elle raconte son combat personnel et son engagement pour les femmes victimes de violences conjugales et leurs enfants.

« Je n’arrivais pas à admettre qu’il s’agissait de violences conjugales »

A la première gifle que m’a donnée mon conjoint, j’aurais dû partir, c’est certain. Cela semble si simple vu de l’extérieur ! Mais la réalité d’une relation amoureuse toxique est hélas tellement plus complexe… Au fil des mois, je me suis retrouvée prise au piège de son emprise, de son contrôle et de ses menaces. Muselée par la honte et la culpabilité d’accepter l’inacceptable, les insultes, les humiliations, les coups. Je tentais de me persuader que je vivais un amour conflictuel et passionnel, je n’arrivais pas à admettre qu’il s’agissait de violences conjugales. Jusqu’à cette soirée d’avril 2018 où il a tenté de m’étrangler devant notre petite fille de 2 ans. Si des voisins n’étaient pas intervenus, je serais morte. Il a fallu ce drame pour que je décide de porter plainte contre mon bourreau et de m’en remettre à la justice.

« Je me suis soumise à toutes les étapes de la procédure »

Mon conjoint a rapidement été incarcéré et mis en examen pour tentative de meurtre. De mon côté, je me suis soumise à toutes les étapes de la procédure. Dépôt de plainte au commissariat, confrontation avec mon agresseur, examen à l’Unité médico-judiciaire, audition de plusieurs heures avec la juge d’instruction, expertise psychologique. Tout cela était extrêmement lourd et pas toujours d’une grande bienveillance. De manière plus ou moins explicite revenait souvent cette interrogation, tellement culpabilisante : mais pourquoi n’êtes-vous pas partie ? Aucun soutien psychologique ne nous a été proposé, ni à moi ni à ma petite fille qui cette nuit-là avons pourtant vu la mort de près. J’ai dû me débrouiller seule pour trouver un psychiatre pour moi et une pédopsychiatre pour ma fille pour prendre en charge notre traumatisme. Mais j’ai supporté en me disant que c’était le prix à payer pour être enfin libérée de cet homme et avoir droit à une vie normale.

« J’étais abandonnée, livrée à mon bourreau »

Le choc fut donc terrible quand, un an plus tard, mon ex-conjoint a été remis en liberté en attente du procès, sans bracelet électronique. Il était certes assigné à résidence en province, loin de la région parisienne où je vivais. Mais aucun moyen n’a été déployé pour s’assurer qu’il respectait ses obligations. Et il les a évidemment transgressées ! Jusqu’à venir m’attendre devant chez mes parents. Mon père l’a fait fuir, je suis allée déposer une main courante au commissariat et la juge d’instruction en charge du dossier a été alertée. Mais elle ne m’a jamais répondu et n’a pas ordonné la réincarcération de mon ex-conjoint. Il est donc resté en liberté, tandis que moi je vivais comme une bête traquée, m’attendant à chaque instant à ce qu’il me tombe dessus pour tenter à nouveau de me tuer. En état de terreur perpétuelle, j’ai essayée d’obtenir un « téléphone grave danger » mais ma demande est restée sans suite. J’avais été abandonnée, livrée à mon bourreau.

« Il ne me restait que les réseaux sociaux »

A ce moment-là, j’ai compris une chose : si tant de femmes meurent chaque année sous les coups de leur conjoint, cela n’est en rien une fatalité mais trop souvent le résultat d’un système qui dysfonctionne. Les victimes de violences conjugales sont incitées à porter plainte et aller en justice. Mais rien n’est fait pour les soutenir dans ce long et éprouvant parcours ni pour les protéger. Alors j’ai décidé de chercher ailleurs une protection susceptible de me sauver la vie : sur les réseaux sociaux. J’ai bien conscience que ce n’est pas le lieu où la justice doit se rendre. Mais comment faire quand elle ne se rend nulle part ? Après mûre réflexion, le mardi 14 mai 2019, j’ai posté un message sur Twitter, intitulé « A l’aide ». J’y ai exposé ma situation, le danger de mort que je courais et mon désespoir après avoir épuisé sans succès tous les recours officiels.

« Une immense chaine de solidarité s’est formée »

Allait-on me traiter de fabulatrice, m’insulter, lâcher sur moi des torrents de haine comme cela arrive souvent sur les réseaux sociaux ? Cela été tout l’inverse ! En l’espace de quelques heures, j’ai reçu une multitude de messages bienveillants, provenant de femmes mais aussi d’hommes. Mon tweet a été très largement partagé. Une immense chaîne de solidarité s’est formée pour interpeller les pouvoirs publics sur mon sort. J’étais tellement soulagée que quelqu’un m’entende enfin ! Cette vague d’indignation est parvenue aux oreilles de journalistes, ils ont fait des articles et demandé des explications insistantes au Parquet. Face à la pression, la justice a ordonné la réincarcération de mon ex-conjoint. Et tout cela en une semaine, alors que j’alertais et suppliais en vain depuis trois mois. Twitter m’a sauvée la vie et celle de ma fille !

« La médiatisation m’a permis de continuer à me sentir vivante »

Ce tweet a donné de la visibilité aux femmes victimes de violences conjugales qui, une fois qu’elles ont enfin réussi à trouver le courage de porter plainte, subisse l’abandon par le système judiciaire. C’est leurs voix à toutes que j’ai voulu porter lorsque j’ai été invitée au Grenelle sur les violences conjugales organisé par le gouvernement en septembre 2019. J’ai notamment été consultée pour améliorer les procédures d’obtention du « téléphone grand danger » et du « bracelet anti-rapprochement ». Alors que j’attendais le procès aux Assises de mon ex-conjoint, cette médiatisation autour de moi m’a permis de continuer à me sentir vivante, me donnait l’impression d’une bulle protectrice. Même si bien sûr, il y avait aussi le revers de la médaille. Car la médiatisation ne fonctionne pas à sens unique, elle réclame son dû, se repait de votre vie privée étalée aux yeux de tous, suscite des jalousies chez certains et provoque des attentes énormes chez d’autres victimes.

« Ma fille et moi avons pris souffrance à perpétuité »

Le procès a été d’une violence inouïe, j’y ai été traitée comme une criminelle, humiliée par les avocats de la défense. Mais à la fin, mon conjoint a été condamné à 8 ans de réclusion criminelle et 5 ans de suivi socio-judiciaire. Il encourait la perpétuité, il ne s’en est pas si mal sorti… Mais le juge a refusé de le déchoir de ses droits parentaux : il a considéré que sa tentative de meurtre contre moi sous les yeux de notre fille terrifiée n’entachait en rien ses aptitudes à être un bon père ! Peu importe que les pédopsychiatres aient diagnostiqué un sévère syndrome de stress post-traumatique chez Alice : elle devrait continuer à côtoyer son père, au nom du lien biologique sacralisé par la justice de notre pays . Malgré mon épuisement et les énormes difficultés économiques dans lesquelles m’ont plongée ces années de procédures judiciaires, j’ai fait appel et nous avons gagné : mon ex conjoint a été déchu de ses droits parentaux. Cette décision fera jurisprudence et elle constitue un immense espoir pour tous les enfants trop souvent « victimes fantômes » des violences conjugales. Aux dernières nouvelles, mon bourreau a demandé un aménagement de peine, alors même qu’il n’a pas encore effectué la moitié de sa condamnation. Ma fille et moi avons pris souffrance à perpétuité… « .

J’ai été victime de violences conjugales — Témoignage

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Un an et demi. Voilà aujourd’hui ce qui me sépare de lui ; ça peut paraître peu mais en dix-huit mois, tellement de choses ont changé dans ma vie… maintenant je suis heureuse.

Écrire mon histoire, la raconter et le dénoncer, lui et tous ces autres, je n’y avais pas songé avant. Peut-être par honte, mais « Honte de quoi ? », m’a un jour demandé ma sœur.

Honte d’être moi, trop naïve. Honte de m’être laissée faire, honte de ne pas être partie avant, honte de ne pas avoir remarqué le problème, honte d’avoir menti pour cacher mes problèmes, honte d’avouer que je me suis trompée sur lui. Voilà de quoi j’avais honte : être une victime.

Je ne veux pas qu’on me regarde comme une victime, car je ne veux pas engendrer la pitié dans mon entourage, c’est pourquoi beaucoup ne savent rien de ce qui m’est arrivé.

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Un an et demi plus tard, alors que la page est tournée, au fond je sais qu’on n’oublie jamais. On reste marquée, et il arrive que des souvenirs me réveillent encore en sursaut la nuit.

Maintenant que vous connaissez la fin de cette histoire, intéressons nous au commencement.

Il était une fois un prince charmant…

J’avais 17 ans tout juste quand je l’ai rencontré à une soirée entre amis, au réveillon du Nouvel An. Ça n’a pas été le coup de foudre, il n’était pas particulièrement attirant, mais nous sommes devenus très bons amis.

Maintenant que j’y repense, il était l’ami idéal, un peu trop même : il a fait en sorte d’aimer les choses que j’aimais (les séries télé, les musiques, mon job d’été…), pour pouvoir ensuite les détester radicalement.

Il était l’ami idéal, un peu trop même : il a fait en sorte d’aimer les choses que j’aimais.

Nos amis communs ont commencé à nous pousser l’un vers l’autre, et au fil des semaines, l’idée fit son chemin. Après tout, il me comprend et me connaît si bien… Du coup, je tombe de haut quand j’apprends qu’il vient de se mettre en couple avec une autre.

Néanmoins, nous restons amis, et il finit par me confier qu’il n’est pas amoureux, qu’il pense à la rupture. Lorsqu’il la quitte, je comprends que c’est pour moi, mais il ne me le dit pas clairement, attendant que je fasse le premier pas… ce que je finis par faire. Je signe sans le savoir le début de ma fin.

De la violence conjugale psychologique…

Les débuts sont magiques, d’autant plus qu’il s’agit de ma première « vraie histoire » : on est tellement semblables, il est toujours là pour moi, et me rend bien des services. Avec le recul, je me rends compte qu’il travaillait à se rendre indispensable.

Nous sommes entrés à la fac dans la même ville, mais avec deux logements séparés, pour ne pas nous étouffer : on se donne un soir par semaine chacun de notre côté, et on voit nos parents le week-end. Au bout de deux mois, il en réclame davantage, exigeant de me voir chaque soir ; face à mon refus, il s’énerve, et me dit que si on finit par se séparer, ce sera de ma faute.

Après de nombreuses disputes, poussée à bout, je cède, et je lâche mon indépendance. Quelques semaines après, je fais une autre concession, énorme pour moi : je ne vois plus mes parents qu’un week-end sur deux, passant l’autre avec lui. Chaque jour, la liste des choses sur lesquelles je cède s’allonge, mais lui ne lâche pas un pouce de terrain.

violences conjugales psychologiqueAu lit, tout se passait bien : on s’amusait quotidiennement, et il respectait mes choix quand je n’avais pas envie. Là aussi, la situation s’est dégradée en quelques mois : il me reprochait mes refus, finissant par m’ignorer complètement, ou par me faire croire que c’était le signe que je ne l’aimais plus.

Je me rends bien compte, aujourd’hui, que j’aurais dû fuir, déjà, à ce moment-là.

C’est dans ce cadre que le premier signe de violence physique est arrivé, même si je ne l’ai pas remarqué : chez lui, clouée au lit avec une grippe, je ne voulais qu’une chose, dormir.

Lui voulait faire l’amour ; il m’a crié dessus, indifférent à mes pleurs, me reprochant de ne plus l’aimer, et m’a violemment lancé un coussin avant de menacer de me mettre dehors. Il a fait mine de rompre avec moi et a passé la nuit par terre, mais s’est excusé au petit matin, et m’a promis de ne plus jamais recommencerPauvre de moi, je l’ai cru.

…à la première violence conjugale physique

Mes amies et moi avions depuis longtemps planifié de partir trois jours ensemble, sans lui. Il a attendu la semaine précédent le départ pour me supplier de ne pas y aller, en larmes, et ce n’est que sous l’impulsion de ma mère que j’ai réussi à partir.

Mais mes vacances, et celles de mes amies, furent gâchées : il m’a bombardée de textos, d’appels, me reprochait d’avoir trahi sa confiance, me disait ne plus jamais vouloir me revoir.

En rentrant, je me suis excusée ; je réalise à présent que je n’avais absolument rien fait de mal, mais je me sentais tellement coupable. Et jusqu’à la fin, il m’a rappelé cette histoire, l’utilisant durant nos désaccords, nos disputes, alors qu’il était exclu, pour moi, de lui reprocher ses erreurs passées.

violences conjugales physiqueL’année scolaire a fini, entrecoupée de moments similaires, et comme chaque été, je travaillai en centre aéré pour gagner un peu d’argent.

J’adorais discuter de mon job avec lui, mais au début des grandes vacances, il m’a reproché de trop en parler, en a fait un sujet tabou : selon lui, il ne souhaitait pas l’évoquer parce que lorsque je travaillais, nous étions séparés, et il en souffrait.

Comme je ne pouvais plus lui raconter mes journées, on ne parlait que des siennes, ce qui était assez rapide puisqu’il ne faisait rien de ses vacances.

Il me lance alors la télécommande avec rage. Quand je parle de violences conjugales, il me dit de ne pas exagérer.

Nous sommes ensuite partis ensemble dans une maison qui appartient à ma famille. Un soir, à nouveau, je n’ai pas envie de lui, et sous la contrariété, voyant que je ne compte pas céder, il se rapatrie dans le salon et met le son de la télévision à fond, pour m’empêcher de dormir.

Lorsque je lui demande de baisser le volume, il m’ignore et j’éteins le poste ; il me lance alors la télécommande, avec rage.

Sous le choc, je suis restée figée quelques instants, avant de lui dire de faire ses valises pour le lendemain, car il n’était plus le bienvenu ici. Le lendemain, il se confond en excuse, pleure, me supplie de le pardonner. Quand je parle de violences conjugales, il me dit de ne pas exagérer…

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Je l’aimais, et je crois sincèrement que lui aussi. Il ne cessait de me répéter que sans moi, il n’était rien. En public ou en soirée, il restait collé à moi, toujours à m’embrasser, ce qui me gênait et m’empêchait de profiter des autres invités.

Si je le lui faisais remarquer, ou tentais de m’éloigner, il me le reprochait : c’était moi qui avait un problème, car c’était la façon dont un couple devait agir. Encore un motif de disputes, où j’étais toujours en tort : il ne se remettait jamais en question, ne répondait même pas à mes accusations.

C’était difficile de se sentir aussi ignorée. Je me rends compte, maintenant, que ce que j’éprouvais n’était pas de l’amour, car je ne sais pas comment on peut aimer quelqu’un qui vous traite ainsi ; les psychologues ont peut-être un terme pour ce sentiment, moi je n’en ai pas.

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Le chantage, une autre forme de violence conjugale

C’était un grand maître du chantage. Je ne sais plus combien de fois j’ai dû choisir : entre faire ce qu’il voulait ou le perdre, entre lui et mes amis, ma famille, et si je ne le choisissais pas, c’est que je ne l’aimais pas.

C’est ainsi que, peu à peu, j’ai perdu le droit de sortir de mon côté, ne serait-ce que pour accompagner une amie. Si je voulais manger entre potes le midi, il fallait que lui soit occupé avec les siens. Même chez le médecin, il entrait en rage s’il ne m’accompagnait pas dans le cabinet, et quittait la salle d’attente, me laissant rentrer seule et fiévreuse.

C’est ainsi que peu à peu, j’ai perdu le droit de sortir de mon côté.

Durant les trois ans qu’a duré notre relation, jamais il n’a eu confiance en moi : il m’accusait de voir d’autres garçons, de le tromper avec mon patron… Je suis toujours restée fidèle, mais je devais sans cesse justifier mes faits et gestes, éviter de mentionner mes amis masculins.

Le pire a été mon rendez-vous chez un gynécologue : pour lui, « écarter les cuisses devant un inconnu, c’est être une salope ». J’ai choisi une femme pour le rassurer, mais il s’en fichait. Quand je lui ai reproché de m’en vouloir pour ça, et de m’avoir laissée seule pour ce premier rendez-vous, il s’est excusé et a pleuré… une fois de plus. Et j’ai été naïve une fois de plus.

Des concessions, encore et toujours

La chose que je regrette le plus, aujourd’hui, c’est d’avoir été en froid avec ma soeur à cause de lui. Elle était ma confidente, et a très vite cerné le personnage, alors elle lui a dit que sa façon d’agir était inacceptable.

Il m’a tout mis sur le dos, me reprochant de raconter « notre » vie à ma soeur, et s’est mis à la rabaisser sans cesse. S’il était chez mes parents, elle n’y venait pas, et j’ai fini par ne plus la voir, ce qui m’a blessée. Il a réussi à s’engouffrer dans la brèche, m’a dit qu’elle ne me méritait pas, et m’a insidieusement montée contre ma propre soeur.

Physiquement, il avait certaines exigences. Si je me maquillais, ou que je portais une jupe, une robe, un décolleté, c’était forcément pour séduire. Je ne pouvais plus me faire belle : je ne devais pas me plaire, mais lui plaire. Les seuls bijoux autorisés étaient ceux qu’il m’avait offerts, il fallait qu’il approuve chaque nouveau vêtement…

Physiquement, il avait certaines exigences. Je ne devais pas me plaire, mais lui plaire.

Lors d’une soirée entre amis, je portais une robe et un collier qui ne venait pas de lui. Il m’a prise à part dans une pièce et m’a reproché de m’être faite belle pour tout le monde, sauf pour lui, criant et pleurant assez fort pour que les autres convives l’entendent. J’étais extraordinairement mal à l’aise, mais en rejoignant les autres, j’ai menti pour le « couvrir ».

Après deux ans de concessions toujours plus importantes, nous avons emménagé ensemble, et la violence a monté d’un cran.

Pour lui, cela signifiait que je ne devais plus rentrer chez mes parents qu’une seule fois par mois, un week-end qu’il me faisait payer, en m’ignorant totalement avant, pendant et après.

Une fois, il a menacé de se suicider pour me retenir de partir, commençant à s’entailler les poignets, et je n’ai pu quitter l’appartement qu’en promettant que je n’irai pas le mois d’après. Encore une fois, il avait eu gain de cause.

Puis, vint l’humiliation et le summum de la violence conjugale

Nos disputes se faisaient de plus en plus violentes, et je commençais à me sentir vraiment humiliée. Détestant faire la vaisselle, il trouvait souvent une raison de m’en vouloir lorsque c’était son tour ; il m’est arrivé plus d’une fois de recevoir l’éponge sale en plein visage pour avoir osé le contredire, lui faire une remarque.

Pour des motifs toujours anodins, la violence montait : j’ai reçu son portefeuille en plein visage, il m’a un jour fouetté le visage avec un t-shirt mouillé, assez fort pour casser mes lunettes. Des coups de pied dans le dos (il faisait particulièrement attention à ne laisser aucune marque visible) m’ont fait mal pendant plusieurs jours.

À chaque fois, il se confondait en excuses, en promesses, et j’y croyais. C’était une violence invisible, mentale et physique, qui me rendait malade. Je n’étais plus heureuse, ni joyeuse, comme je l’étais ; je pensais à partir malgré les sentiments, mais je n’en trouvais pas le courage.

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Je sais que beaucoup ne comprendront pas pourquoi je suis restée, pourquoi j’ai même emménagé avec lui, et moi-même, j’ai mis du temps à le comprendre.

La première raison était l’amour : j’y croyais dur comme fer, et quand il tentait de se racheter, il redevenait celui que j’avais aimé au début, me faisant croire que c’était fini pour de bon.

Je manquais également de courage, et j’avais peur des conséquences. Enfin, je doutais moi-même : chaque fois que je songeais à une rupture, je ne savais pas comment la justifier, et je craignais d’exagérer ce qui se passait entre lui et moi. On peut résumer tout cela par un manque cruel de confiance en moi.

Elle le quitta…

Je n’oublierai jamais la veille de mon départ. C’était les vacances de Pâques, et je travaillais ; il était donc prévu que je dorme chez mes parents, qui vivaient tout près de mon job. Mais pour lui faire plaisir, je n’y passais que deux nuits par semaine, faisant le reste du temps une heure et demie de route quotidienne pour le satisfaire.

violences conjugales blessureUn soir, nous nous sommes disputés, et j’ai à nouveau cédé : le lendemain, je ne passerai qu’une nuit en famille, au lieu de deux. Au moins, nous avons pu passer une soirée normale.

Mais le lendemain matin, au moment de partir, il a tenté de me retenir, prétextant qu’il avait une envie de moi. En réalité, il cherchait surtout une raison pour commencer une dispute. Ce furent les pires instants de ma vie, un déchaînement de violence.

Il m’a donné des coups avec un étendoir à linge, m’a traitée de pouffiasse, m’a faite tomber au sol plusieurs fois, tentant de me faire avaler de la poussière. Il a jeté mes affaires par terre, et m’a dit que tout était fini. Je suis partie en courant et en larmes.

Ce furent les pires instants de ma vie, un déchaînement de violence.

Avant d’arriver au travail, je me suis arrêtée chez mes parents pour tout raconter à ma mère. La voir pleurer m’a touchée, et je me suis sentie coupable, mais aussi libérée : même si je flanchais, jamais mes parents ne me laisseraient y retourner. Lui et moi, c’était fini.

Quand je suis retournée chercher mes affaires, j’ai demandé à mes parents de rester au bas de l’immeuble, espérant qu’il ne ferait pas d’histoires.

Mais quand il a compris que je n’étais pas là pour implorer son pardon, il a verrouillé la porte à clé, m’a suppliée, a menacé à nouveau de se tuer. Lorsqu’il est allé chercher un couteau, j’ai ouvert la porte et appelé mes parents à l’aide.

Une fois de retour, j’avais peur qu’il se suicide ; je lui ai donc laissé entendre que j’avais besoin de réfléchir, qu’il y avait encore une chance que ça marche. Je ne savais pas encore que les gens comme lui sont bien trop lâches pour se tuer, et n’utilisent ça comme une forme de chantage affectif. Il m’a appelée, écrit, suppliée, il a même consulté un psychologue, espérant me redonner confiance.

Auprès de nos amis communs, il a endossé le rôle de victime. Mais la victime c’était bien moi.

Pour se justifier, il a prétendu que son père battait sa mère, ce qu’il ne m’avait jamais dit en trois ans de relation – je ne sais pas si c’est vrai ou non, mais je m’en fiche. Cela ne justifie en rien son attitude. Auprès de nos amis communs, il a endossé le rôle de victime, et certains, aujourd’hui, refusent de me parler.

Mais la victime, c’était bien moi, incapable de dormir à cause de cauchemars dans lesquels il apparaissait… Le pire, c’est qu’il m’a fallu du temps pour lui en vouloir. Mais il m’en a fallu encore plus pour en parler.

… et vécut heureuse.

Un an et demi aujourd’hui que je ne le vois plus, je ne l’aime plus. Que serais-je devenue si j’étais restée ? Je préfère ne pas y penser, mais regarder ce que je suis. Plus forte.

J’ai tiré les leçons de mes erreurs, et je ne les referai pas. Aujourd’hui, je vis pour moi-même, je me coiffe et je m’habille comme je veux, je vois qui je veux quand je veux, et j’ai rencontré quelqu’un il y a plusieurs mois.

Je ne suis pas prête à emménager avec lui, et je ne le serai pas avant longtemps, mais je découvre ce qu’est une relation de couple saine, normale, dans le respect de l’autre.

À toutes les madmoiZelles qui sont victimes de violences physiques ou mentales, je voudrais vous dire de ne pas perdre confiance en vous : le premier pas vers la liberté, c’est d’en parler à quelqu’un.

À toutes celles qui connaissent une personne victime de violences conjugales, je vous dirai de vous rendre disponible, de faire comprendre à votre ami-e que vous serez toujours joignable, quoi qu’il arrive, et ne le/la jugez pas… sortir d’une telle emprise est long et difficile.

Témoignages : « J’ai été sauvé de la violence conjugale par un élan de solidarité sur internet »

ictime d’une tentative de meurtre par son conjoint, abandonnée par la justice, Laura a lancé un SOS sur Twitter pour mobiliser l’opinion publique.

Laura Rapp, 33 ans, a refusé la fatalité de mourir sous les coups de son ex-conjoint. Sans protection aucune face à lui, elle a livré bataille pour sauver sa vie et celle de sa fille Alice, avec tous les moyens à sa disposition. Notamment en mobilisant l’opinion publique grâce aux réseaux sociaux et aux médias. Aujourd’hui, elle vient de publier un livre Tweeter ou mourir, (éd. Michalon), où elle raconte son combat personnel et son engagement pour les femmes victimes de violences conjugales et leurs enfants.

« Je n’arrivais pas à admettre qu’il s’agissait de violences conjugales »

A la première gifle que m’a donnée mon conjoint, j’aurais dû partir, c’est certain. Cela semble si simple vu de l’extérieur ! Mais la réalité d’une relation amoureuse toxique est hélas tellement plus complexe… Au fil des mois, je me suis retrouvée prise au piège de son emprise, de son contrôle et de ses menaces. Muselée par la honte et la culpabilité d’accepter l’inacceptable, les insultes, les humiliations, les coups. Je tentais de me persuader que je vivais un amour conflictuel et passionnel, je n’arrivais pas à admettre qu’il s’agissait de violences conjugales. Jusqu’à cette soirée d’avril 2018 où il a tenté de m’étrangler devant notre petite fille de 2 ans. Si des voisins n’étaient pas intervenus, je serais morte. Il a fallu ce drame pour que je décide de porter plainte contre mon bourreau et de m’en remettre à la justice.

« Je me suis soumise à toutes les étapes de la procédure »

Mon conjoint a rapidement été incarcéré et mis en examen pour tentative de meurtre. De mon côté, je me suis soumise à toutes les étapes de la procédure. Dépôt de plainte au commissariat, confrontation avec mon agresseur, examen à l’Unité médico-judiciaire, audition de plusieurs heures avec la juge d’instruction, expertise psychologique. Tout cela était extrêmement lourd et pas toujours d’une grande bienveillance. De manière plus ou moins explicite revenait souvent cette interrogation, tellement culpabilisante : mais pourquoi n’êtes-vous pas partie ? Aucun soutien psychologique ne nous a été proposé, ni à moi ni à ma petite fille qui cette nuit-là avons pourtant vu la mort de près. J’ai dû me débrouiller seule pour trouver un psychiatre pour moi et une pédopsychiatre pour ma fille pour prendre en charge notre traumatisme. Mais j’ai supporté en me disant que c’était le prix à payer pour être enfin libérée de cet homme et avoir droit à une vie normale.

« J’étais abandonnée, livrée à mon bourreau »

Le choc fut donc terrible quand, un an plus tard, mon ex-conjoint a été remis en liberté en attente du procès, sans bracelet électronique. Il était certes assigné à résidence en province, loin de la région parisienne où je vivais. Mais aucun moyen n’a été déployé pour s’assurer qu’il respectait ses obligations. Et il les a évidemment transgressées ! Jusqu’à venir m’attendre devant chez mes parents. Mon père l’a fait fuir, je suis allée déposer une main courante au commissariat et la juge d’instruction en charge du dossier a été alertée. Mais elle ne m’a jamais répondu et n’a pas ordonné la réincarcération de mon ex-conjoint. Il est donc resté en liberté, tandis que moi je vivais comme une bête traquée, m’attendant à chaque instant à ce qu’il me tombe dessus pour tenter à nouveau de me tuer. En état de terreur perpétuelle, j’ai essayée d’obtenir un « téléphone grave danger » mais ma demande est restée sans suite. J’avais été abandonnée, livrée à mon bourreau.

Il ne me restait que les réseaux sociaux »

A ce moment-là, j’ai compris une chose : si tant de femmes meurent chaque année sous les coups de leur conjoint, cela n’est en rien une fatalité mais trop souvent le résultat d’un système qui dysfonctionne. Les victimes de violences conjugales sont incitées à porter plainte et aller en justice. Mais rien n’est fait pour les soutenir dans ce long et éprouvant parcours ni pour les protéger. Alors j’ai décidé de chercher ailleurs une protection susceptible de me sauver la vie : sur les réseaux sociaux. J’ai bien conscience que ce n’est pas le lieu où la justice doit se rendre. Mais comment faire quand elle ne se rend nulle part ? Après mûre réflexion, le mardi 14 mai 2019, j’ai posté un message sur Twitter, intitulé « A l’aide ». J’y ai exposé ma situation, le danger de mort que je courais et mon désespoir après avoir épuisé sans succès tous les recours officiels.

« Une immense chaine de solidarité s’est formée »

Allait-on me traiter de fabulatrice, m’insulter, lâcher sur moi des torrents de haine comme cela arrive souvent sur les réseaux sociaux ? Cela été tout l’inverse ! En l’espace de quelques heures, j’ai reçu une multitude de messages bienveillants, provenant de femmes mais aussi d’hommes. Mon tweet a été très largement partagé. Une immense chaîne de solidarité s’est formée pour interpeller les pouvoirs publics sur mon sort. J’étais tellement soulagée que quelqu’un m’entende enfin ! Cette vague d’indignation est parvenue aux oreilles de journalistes, ils ont fait des articles et demandé des explications insistantes au Parquet. Face à la pression, la justice a ordonné la réincarcération de mon ex-conjoint. Et tout cela en une semaine, alors que j’alertais et suppliais en vain depuis trois mois. Twitter m’a sauvée la vie et celle de ma fille !

« La médiatisation m’a permis de continuer à me sentir vivante »

Ce tweet a donné de la visibilité aux femmes victimes de violences conjugales qui, une fois qu’elles ont enfin réussi à trouver le courage de porter plainte, subisse l’abandon par le système judiciaire. C’est leurs voix à toutes que j’ai voulu porter lorsque j’ai été invitée au Grenelle sur les violences conjugales organisé par le gouvernement en septembre 2019. J’ai notamment été consultée pour améliorer les procédures d’obtention du « téléphone grand danger » et du « bracelet anti-rapprochement ». Alors que j’attendais le procès aux Assises de mon ex-conjoint, cette médiatisation autour de moi m’a permis de continuer à me sentir vivante, me donnait l’impression d’une bulle protectrice. Même si bien sûr, il y avait aussi le revers de la médaille. Car la médiatisation ne fonctionne pas à sens unique, elle réclame son dû, se repait de votre vie privée étalée aux yeux de tous, suscite des jalousies chez certains et provoque des attentes énormes chez d’autres victimes.

« Ma fille et moi avons pris souffrance à perpétuité »

Le procès a été d’une violence inouïe, j’y ai été traitée comme une criminelle, humiliée par les avocats de la défense. Mais à la fin, mon conjoint a été condamné à 8 ans de réclusion criminelle et 5 ans de suivi socio-judiciaire. Il encourait la perpétuité, il ne s’en est pas si mal sorti… Mais le juge a refusé de le déchoir de ses droits parentaux : il a considéré que sa tentative de meurtre contre moi sous les yeux de notre fille terrifiée n’entachait en rien ses aptitudes à être un bon père ! Peu importe que les pédopsychiatres aient diagnostiqué un sévère syndrome de stress post-traumatique chez Alice : elle devrait continuer à côtoyer son père, au nom du lien biologique sacralisé par la justice de notre pays . Malgré mon épuisement et les énormes difficultés économiques dans lesquelles m’ont plongée ces années de procédures judiciaires, j’ai fait appel et nous avons gagné : mon ex conjoint a été déchu de ses droits parentaux. Cette décision fera jurisprudence et elle constitue un immense espoir pour tous les enfants trop souvent « victimes fantômes » des violences conjugales. Aux dernières nouvelles, mon bourreau a demandé un aménagement de peine, alors même qu’il n’a pas encore effectué la moitié de sa condamnation. Ma fille et moi avons pris souffrance à perpétuité… « 16

 

Chronique littéraire du mois de juin: Je jette ma baleine à la mer. Violences Conjugales, des mots sur les maux. LLIVRE TÉMOIGNAGE, VIOLENCES FAITES AUX FEMMES

Un témoignage juste et digne à l’image de beaucoup de femmes victimes de violences.
Un récit bouleversant.

Qu’est-ce qui a bien pu m’attirer en lui ? Je me suis souvent posé la question. Nous étions diamétralement opposés : le jour et la nuit. Mauvais coup de poker, j’ai été bluffée…

Laura Granny a 18 ans lorsqu’elle rencontre celui qui va devenir son mari, le père de son enfant et rapidement son bourreau et ce, durant 6 ans.

Grâce aux mains tendues, Laura Granny a pu se reconstruire petit à petit. 20 ans après, elle jette sa baleine à la mer. Laura nous livre son témoignage bouleversant, relate sa lutte quasi quotidienne, envers et contre tous, pour sauver son fils et elle-même de l’enfer des violences.

En jetant sa « balle » et toute cette « haine » qu’elle avait en elle depuis tant d’années, Laura Granny tend aussi la main vers les victimes de violences conjugales : On m’avait donné deux ailes, il m’en a brisé une. Avec l’autre je m’envole, je boite mais je veux aller vers les autres et vous retrouver. J’espère, avec toutes les lueurs dans mon cœur, pouvoir éclairer le vôtre et vous aider à vous libérer.

Laura Granny lance un appel à tous : Ne voilez plus votre face, ouvrez vos oreilles, ne jugez pas. Nul ne mérite d’être maltraité, massacré. Tendez vos mains ou agissez.

Violences conjugales : 10 femmes témoignent

Nous avons décidé de donner la parole à celles qui ont été confrontées à la violence morale ou physique de leur compagnon. Parce qu’elles ne sont pas coupables. Parce qu’elles ont parfois été confrontées au silence complice de leur entourage. Parce que ces comportements inacceptables doivent être punis par la loi. A l’occasion de la journée contre les violences faites aux femmes, 10 femmes nous racontent leurs années de galère ou comment l’amour vire parfois à la haine. Elles nous expliquent le déclic qui les a poussées à fuir, cet « instinct de survie ». Témoignages.

 

« QUAND JE VOIS SON NOM SUR MON TÉLÉPHONE, J’AI PEUR »

Cécile, 40 ans
« J’ai passé huit ans avec quelqu’un que j’aimais, mais pour qui je n’étais rien. A l’extérieur, les gens lui donnent le bon dieu sans confession, mais à la maison, c’est quelqu’un d’insupportable. Il m’a appâtée avec des petites attentions, des poèmes et des belles paroles, qui se sont rapidement transformées en critiques : j’étais mal habillée, pas assez jolie… Au bout de quelques années, il m’a fait couper les ponts avec ma famille et mes amis et arrêter de travailler. « Elle est jalouse de toi », « il est nocif  » : il arrivait toujours à me retourner le cerveau. Je ne voyais que par lui et je n’arrivais pas à me dire que c’était quelqu’un de mauvais. Je pensais alors que la meilleure défense était de dire « oui » à tout, pour éviter les problèmes. Quand je voulais le quitter, les enfants devenaient un moyen de pression. Le déclic qui m’a fait partir ? Quand il m’a trompée et que je l’ai entendu s’en vanter. « On va faire un break, c’est temporaire, c’est moi qui te fais souffrir, je ne te mérite pas. » C’est ce que je lui ai dit pour qu’il s’en aille. J’ai ensuite demandé le divorce, pas pour faute mais par consentement mutuel : j’ai tout fait pour que les choses ne dégénèrent pas. Il ne pensait pas que j’irai jusqu’au bout, mais il ne faut jamais céder. Aujourd’hui encore, quand je vois son nom sur mon téléphone, j’ai peur. J’appelle la police quand il débarque à l’improviste, et je dépose des mains courantes. J’en suis déjà à dix : c’est la seule manière de me faire entendre. »

« LE PIRE ÉTAIT LES MOTS »

Daphné, 36 ans
« Dissimuler les bleus et les bosses était devenu une préoccupation régulière. Quand cacher n’était plus possible, il fallait mentir : pour un hématome, je disais que j’avais pris une porte, pour un bras cassé, c’était un tas de bûches qui s’était écroulé. Quand je ne pouvais pas sortir, c’était une gastro. J’étais devenue très maladroite, souvent malade et personne ne s’en étonnait. Le pire était les mots. Leur violence était invisible mais tellement douloureuse ! J’entends encore résonner : im-bé-ci-le, bien articulé pour que je comprenne. Je gérais seule le quotidien, mais j’étais « incapable » selon les dires de mon époux. Il fallait anticiper ses désirs : une envie de hamburger et le petit plat mitonné partait à la poubelle ! Lorsque je suis tombée enceinte, mon mari a souhaité faire un test de paternité, « juste pour être sûr ». Ses amis ont ri de cette bonne blague ADN, j’ai serré les dents. Je pensais naïvement que mon fils ne se rendait compte de rien car les « disputes » se passaient après son coucher… La dernière a eu lieu après son huitième anniversaire. J’en suis sortie avec un œil au beurre noir, des contusions, une  grosse migraine, des bourdonnements d’oreille et une image de maman très amochée. Le lendemain, j’ai  décidé de quitter  mon mari après avoir été convaincue par SOS Femmes battues qu’il fallait se sauver et que si mon mari finissait par me tuer, la vie du petit en serait transformée. J’ai enfin porté plainte et fait constater les blessures, un médecin de l’unité médico-judiciaire les a toutes mesurées. Après deux mois, j’ai bénéficié d’une mesure de protection et nous avons pu regagner le domicile. Monsieur a déménagé, non sans avoir emporté une bonne partie de mes affaires personnelles. J’ai été reconnue victime de violence conjugale au pénal, même si lui, ne reconnaît qu’une petite gifle. Il est toujours persuadé que je suis partie pour un autre et non à cause de sa violence. Mon fils m’a avoué récemment que, petit, il entendait les cris de papa la nuit et qu’il voulait que le matin arrive vite. La procédure de divorce est toujours en cours, trois ans après. Le petit et moi sommes toujours suivis par des psys, mais la vie est plus jolie. Pour ses 11 ans, mon fils a demandé que nous soyons enfin divorcés… Ce sera en avril, j’espère ! »

« UNE PERFUSION DE POISON »

Mohana, 39 ans
« La première fois que je l’ai rencontré, il m’a fait froid dans le dos. Il avait jeté son dévolu sur moi et cela me mettait mal à l’aise. Je le croisais tous les jours au travail mais j’ai gardé mes distances pendant quatre ans. Puis, après une déception amoureuse, nous avons commencé à discuter. J’étais jeune, quelqu’un s’intéressait à moi, il m’a beaucoup fait parler. Je me suis ensuite aperçue qu’il avait utilisé ce que je lui avais confié. C’est comme s’il avait mis un masque et calqué son personnage sur ce que je lui avais décrit du partenaire idéal. Avec cet homme, nous sommes restés ensemble six ans. Six ans de violence psychologique. C’est très insidieux, je compare ça à une perfusion de poison administré au quotidien. Au départ, c’est juste de l’humour glacial. Puis, des réflexions assassines, des SMS jour et nuit et la sensation d’être en permanence jugée et épiée. J’en parlais à mes proches mais je passais pour la râleuse : « T’exagères, il est sympa ». Puis, il y a eu les insultes, un travail de sape, d’humiliation, de plus en plus violent au fil des mois et des années. Jusqu’à ces mots : « Je veux que tu crèves ». Je venais de perdre mon père et j’allais accoucher de mon deuxième enfant : ça a été le déclic. Un instinct de survie. Deux semaines après, j’ai quitté mon travail, ma maison, Paris, et je suis partie avec mes deux enfants à Toulouse. Il n’y a que la distance qui permet de sortir la tête de l’eau. J’avais porté plainte, mon dossier était tellement gros que je le trimballais dans un sac de voyage, mais il y en avait pour 3 à 7 ans de lutte judiciaire acharnée et j’ai décidé d’abandonner. Je me suis dit que ça allait être l’horreur pour mes enfants et que je préférais les élever dans la musique et la bonne humeur. J’ai repris des études : avoir mon bac à 37 ans, ça m’a aidée à reprendre confiance en moi. Je ne suis pas la débile pour qui il me faisait passer. »

« 5 MINUTES POUR FAIRE MON SAC ET ME RETROUVER DEHORS À 4H DU MATIN SANS SOUS-VÊTEMENTS »

Camille,  34 ans
« Quand j’entendais le bruit de sa clé dans la serrure au petit matin, je ne savais jamais quel serait mon sort. Virée du lit à coups de pied ? Virée de l’appartement avec 5 minutes pour faire mon sac et me retrouver dehors à 4h du matin sans sous-vêtements, juste le temps d’enfiler un jean, un sweat mais surtout sans nulle part où aller ? Moi, sa femme. Celle sans qui, il n’est « rien », me disait-il en pleurs, recroquevillé comme un enfant, en regardant les dégâts dans l’appartement, et moi terrorisée, cachée dans la salle de bain. Au nom de lui, et surtout de mon amour inconditionnel, j’ai tout accepté. Démunie, me retrouvant seule et sans aucune solution, j’ai voulu mourir. Mourir, pour mettre un terme à cette situation que je ne maîtrisais pas et surtout afin que cesse cette douleur insupportable qui me brûlait, me dévorait. Mourir à cause de lui mais pas pour lui. J’ai été sauvée par ma grande sœur, sans qui je ne pourrais pas témoigner. Jamais je n’oublierai le désarroi de ma famille, en me découvrant sur mon lit d’hôpital amaigrie, le regard vide et triste. Jamais je n’oublierai que ma famille s’est retrouvée seule face à une situation dont elle ne mesurait pas l’ampleur parce que je n’avais rien dit, rien montré.  Elle a dû agir avec les seuls moyens dont elle disposait : l’amour, la patience, et la vigilance. Aujourd’hui, deux ans après, grâce à des rencontres lors des groupes de paroles pour femmes violentées par leur conjoint, grâce à ma thérapeute et encore et toujours grâce à ma famille, je vais bien. Au nom de lui, j’allais mourir, au nom de moi, je vais vivre ! »

« TOUT LE MONDE VOYAIT QUE ÇA N’ALLAIT PAS, SAUF MOI »

Sabrina, 35 ans
« Je sortais d’un divorce quand je l’ai rencontré. Après un mois de relation, il s’est installé chez moi, je n’ai pas trop osé dire non. J’ai deux enfants de 3 et 7 ans : il a commencé à leur interdire de manger sucré après 16h, à me dire que je leur faisais trop de câlins, que j’allais les rendre gagas. Je n’ai rien dit, il laissait entendre que j’étais une mauvaise mère et je pensais qu’il avait raison. Ça choquait les gens autour de nous mais je le défendais… J’étais brune, il m’a demandé de devenir blonde, ce que j’ai fait, et il a alors déclaré devant tout le monde : « En blonde, tu as une gueule de pétasse. » Il m’a aussi demandé de maigrir sinon il me quittait. Il surveillait tout ce que je mangeais : j’ai perdu 14 kilos. Il voulait une femme taille 36 et si je prenais un kilo, il ne me touchait plus, ça me rendait malade. Je suis tombée enceinte et j’ai fait une fausse couche. A peine sortie de l’hôpital, très affaiblie, il m’a dit : « Tu as repris du poids, va courir. » Il pleuvait à verse, je suis allée courir. Tout le monde voyait que ça n’allait pas, sauf moi. Il rabaissait tout le temps ma fille et j’ai atteint mes limites quand j’ai découvert qu’elle avait écrit dans son journal intime : « Je ne le supporte plus, je vais le tuer. » Elle commençait à développer des TOC, je l’ai emmenée voir un psy. Cela fait six mois que nous sommes séparés désormais, je suis soulagée mais un peu démolie. Il ne faut jamais croire qu’un homme peut changer, il faut partir. L’amour, ce n’est pas ça. »

« J’ÉTAIS SA PROIE »

Nadège, 39 ans
« J’avais l’impression d’avoir rencontré le prince charmant. Au début, j’étais dans un rêve puis ça s’est dégradé petit à petit. J’avais déjà été victime de violences physiques, je ne connaissais pas cette torture psychologique. Là, il a pris son temps, j’étais sa proie. C’est comme un film qu’on voit défiler mais on est spectatrice de notre destruction : c’est surréaliste ! J’ai deux ados et ma fille me disait : « Mais maman, réagis ! Comment peux-tu accepter qu’il te parle comme ça ? Tu n’étais pas comme ça avant ! » Je suis restée avec lui un an. Un an à essayer de tuer cet amour que j’avais pour lui. Je l’ai quitté plusieurs fois mais il revenait, s’excusait, redevenait attentionné et je le reprenais. Le soir où ça a vraiment été trop loin, on s’est disputé et je lui ai demandé de partir. Il a menacé de  « casser les murs » de la maison, j’ai appelé la police. Quand ils sont arrivés, il avait un marteau à la main. Depuis qu’il n’est plus dans ma vie, j’ai repris du poids, je dors mieux, j’ai repris confiance en moi. « On est fiers de toi, on a retrouvé notre maman », m’ont dit mes enfants. »

« J’ÉTAIS À SA MERCI JOUR ET NUIT »

Laetitia, 30 ans
« Je l’ai connu à 17 ans et ça a été le coup de foudre. Et puis son ego et sa jalousie ont pris le dessus. Un soir, il m’a renversé une bouteille de vin sur la tête en rentrant d’une soirée où il n’avait pas supporté de voir un ami me parler dans l’oreille. Il m’a ensuite enfermée sur la terrasse, dans le froid. Quand j’ai pu enfin rentrer dans l’appartement 30 minutes plus tard, j’ai hurlé qu’il me laisse tranquille et pour me faire taire, il m’a brûlé le palais avec sa cigarette et m’a frappé sur la bouche. Je crachais du sang et lui me disait : « Arrête ton cinéma ». Le lendemain, ma lèvre a triplé de volume, pourtant je devais aller travailler. J’ai mis un glaçon sur ma lèvre pour faire dégonfler et je me suis maquillée pour tout camoufler. Pendant trois ans, j’ai continué comme ça, sans rien dire. J’étais à sa merci jour et nuit : il rentrait ivre à 5 h du matin et me forçait à coucher avec lui, il a caché un magnétophone sous un meuble de la cuisine pour écouter mes conversations téléphoniques, il m’a mis des coups de pied dans le ventre lorsque je suis tombée enceinte prétextant qu’il n’était pas le père…  Il me faisait tellement peur qu’en pleine nuit, je me suis échappée plusieurs fois, pieds nus. Il me ramenait par les cheveux. Emmenée à l’hôpital en sang, on m’a prescrit dix jours d’ITT (interruption temporaire de travail). C’est un policier qui m’a fait réagir : « Vous êtes jolie, intelligente, indépendante, pas mariée, sans enfant ! Quittez-le, il va vous tuer ! » J’ai replongé mais à 27 ans, j’ai enfin réussi à le quitter. »

« A 3 MOIS DE GROSSESSE, IL M’A GIFLÉE POUR LA PREMIÈRE FOIS »

Amélie, 33 ans
« J’étais promise à une belle vie, jusqu’à ce que je rencontre mon ex… Nous étions ensemble depuis trois ans quand nous avons emménagé et voulu un bébé. Quand je suis tombée enceinte, il a fait marche arrière, me pressant pour que j’avorte. Il en était hors de question ! A 3 mois de grossesse, il m’a giflée pour la première fois. Maintenant, en quelque sorte, je lui appartenais. Pendant toute ma grossesse, il partait avec ma voiture, mon portable, ma CB et il m’enfermait dans l’appartement, pour m’empêcher de voir mon « amant « , celui qu’il s’était imaginé. J’ai accouché un 14 février d’un beau garçon, l’ironie ! Deux mois après, il est rentré tard, ivre et énervé car il était tombé sur un ex à moi qui l’avait félicité pour le bébé et m’avait passé le bonjour. J’étais en train de donner le biberon à mon fils, j’ai juste eu le temps de le poser dans son berceau. Le reste est un mélange d’horreur, de cris, de larmes, de sang, de viol… Le matin, mon fils a bu son biberon les yeux grands ouverts sur mon visage tuméfié. Je lui ai dit : « C’est juste du maquillage mon chéri, c’est pour rigoler. » C’était mon premier mensonge et j’ai pensé que soit je partais sur cette voie, soit j’arrêtais tout maintenant. Il avait oublié la clé de l’appart sur la porte, je suis sortie en pyjama, ensanglantée, les gens changeaient de trottoir à ma vue, je n’ai jamais eu aussi honte de ma vie. Mes parents m’ont recueillie puis j’ai pu reprendre un appart avec mon fils à 200 kilomètres de lui, ce qui ne l’empêchait pas de venir taper à la porte, de me menacer de mort et de kidnapper mon fils. J’ai porté plainte et il a été condamné à 3 mois de sursis pour coups et blessures, 3 mois de sursis ! Cela s’est passé il y a 8 ans. On ne l’a pas aperçu depuis 5 ans, mais je vérifie toujours si je ne suis pas suivie en voiture et on n’ouvre jamais la porte avant d’avoir regardé par la fenêtre qui est là. »

« IL M’A ENLEVÉ MES ENFANTS »

Fatima, 45 ans
« J’ai vécu avec cet homme pendant dix ans. Après trois ans de vie commune, il a réussi à me faire quitter Paris pour la Bretagne. Tout a basculé : il m’intimait de ne plus lui parler et de ne plus parler aux enfants. Il me faisait passer pour une folle. Je me suis retrouvée à l’hôpital, où il a fait croire à tout le monde que je me blessais toute seule. Nous vivions dans un village et j’ai vu les gens se détourner de moi. J’ai découvert qu’il me filmait sous la douche avec une caméra. J’ai voulu prendre cette caméra, une preuve de ce qu’il me faisait subir. Quand il s’en est aperçu, il est devenu enragé. Il m’a coursée comme un lapin dans le jardin, j’ai fait une chute d’un mètre de haut, j’ai perdu connaissance. Je suis allée faire constater mes blessures à l’hôpital, une assistante sociale m’a conseillé de porter plainte pour violences conjugales. Celle-ci a été classée sans suite. J’ai déposé trois autres plaintes pour violences qui ont toutes été classées sans suite, et j’ai fait beaucoup de mains courantes. Il m’a alors enlevé mes enfants pendant 5 mois. Quand je le croisais, il me répétait qu’il allait me détruire. Il avait monté un énorme dossier contre moi, il disait que j’avais des troubles psychologiques et qu’il devait protéger les enfants. La justice a décidé que les enfants restaient avec leur père provisoirement et m’a demandé de quitter le domicile conjugal. Je ne comprenais rien, j’étais dans un état d’épuisement psychologique et physique extrême…. J’ai contacté un nouvel avocat, je lui ai raconté mon histoire et il m’a alors dit une chose magnifique : « Madame, je vous crois, je vais vous aider ». Enfin, quelqu’un me croyait ! Pendant deux ans, je voyais mes enfants un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Je les ai fait suivre par un psy qui a constaté qu’ils développaient des troubles de la personnalité. Il a rédigé trois rapports pour le juge, sans suite. J’ai l’impression que toutes les portes se sont fermées. Le 28 juillet dernier, on m’a enlevé définitivement mes enfants. Les récupérer, c’est ma raison de vivre. »

« JE PENSAIS AVOIR LE NEZ CASSÉ »

Malau, 24 ans
« J’étais étudiante quand j’ai rencontré cet homme, de onze ans mon aîné. Il a d’abord voulu que je ressemble aux femmes de ses amis : j’ai donc dû changer ma garde-robe, abandonner le style jean Converse pour être plus féminine. Il fallait que je lui parle aussi, il voulait que je lui parle. Mais je ne savais pas de quoi, alors il s’énervait. Au début, il jetait des assiettes, des verres, un bout de carrelage dans l’appartement. Ensuite, ça a été son poing dans le mur puis ma tête dans le mur. Il m’appuyait les mollets contre le rebord du lit jusqu’à me faire des bleus aussi gros que mes mollets eux-mêmes. Il m’a aussi poussée dans l’armoire, cassant la porte. J’ai perdu près de 10 kilos en quelques mois. Mon déclic ? J’ai croisé un ami dans la rue et il ne m’a pas reconnue ! J’ai décidé de le quitter après les vacances d’été. Je suis donc partie au Portugal, où j’ai passé 3 heures dans une voiture parce qu’il fallait encore que « je parle ». Epuisée, j’ai voulu sortir, mais ça ne lui a pas plu et il a collé son poing dans mon nez. Ma robe bleue est devenue noire de sang : je pensais avoir le nez cassé. Il est allé m’acheter une robe, des mouchoirs et s’est longuement excusé. Comme après chaque crise. De retour en France, j’hésitais entre en finir ou appeler au secours. J’ai choisi la deuxième solution. Mes parents sont venus me chercher. J’ai compris que c’était terminé, et cette fois-là, ce sont des larmes de joie qui ont coulé le long de mes joues. »

* Les prénoms ont été modifiés

Si vous êtes en danger
Appelez le 3919, violences femmes info
Tous les numéros sur le site du gouvernement Stop Violences Femmes
Et sur le site de la Fédération nationale Solidarité Femmes

Trois livres pour aller plus loin
« Frapper n’est pas aimer » de Natacha Henry, Denoël.
« La manipulation affective dans le couple. Faire face à un pervers narcissique » de Pascale Chapaux-Morelli et Pascal Couderc, Albin Michel.
« La Violence morale au quotidien. Des maux sans bleus. Des mots qui tuent », association ajc, éditions J.Lyon.

 

Chronique littéraire juillet 2022

Violences conjugales : six ans d'enfer avec un pervers narcissique manipulateur : GOURSAUD, Joane: Amazon.fr: Livres

Personne ne peut se douter de ce qui se passe lorsque la porte du domicile se referme tant son compagnon est charmant en public. Enfermée dans une vie chimérique, rythmée par la violence conjugale, cette femme courageuse et forte va fuir son domicile avec ses enfants âgés de deux ans et de six mois.

Cet ouvrage met bien en lumière les mécanismes des personnes malveillantes pour assouvir leurs besoins et généralement combler les manques dans leur enfance. Leurs victimes vivent à travers leurs propres blessures, ce qui les plongent dans l’ombre d’elles-mêmes.

L’auteur a bien détaillé et expliqué quels mécanismes et l’escalade de la violence que son conjoint a exercés sur elle. A la fin de son roman plusieurs profils de personnes malveillantes (harceleur, agresseur…) sont détaillés, de quoi mieux comprendre le comment du pourquoi.

Quant bien même, Joane Goursaud a vécu 6 années qui se résument à cela:  au début le paradis et à la fin l’enfer.

Généralement, les histoires ne sont pas les mêmes mais les mécanismes ne changent pas.

Ecouter son cœur et ses peurs…

Rédaction de l’article: Mme Olivia Daudier, collaboratrice de l’association Prendre Son Envol