Féminicides : pourquoi les hommes ont-ils toujours tué les femmes ?

Des sorcières à l’esclavage sexuel jusque dans les injonctions de beauté féminine, comment le féminicide apparaît-il dans l’Histoire et comment en est-il une constante ? En quoi est-il l’expression la plus spectaculaire du système patriarcal

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« Féminicide » : pourquoi ce terme ? Le meurtre d’une femme ne serait-il pas tout simplement un meurtre ? Le féminicide désigne le meurtre d’une femme parce qu’elle est une femme. Et si le terme est récent, sa réalité l’est beaucoup moins… A quand remonte-t-elle et quelles formes a-t-elle pris à travers les siècles et les continents ? Pourquoi le féminicide est-il une constante de l’histoire et pas seulement un mot dans l’air du temps ?

Le féminicide ou le continuum féminicidaire

“Le féminicide est un crime d’Etat parce qu’une partie non négligeable des structures et des institutions de l’Etat participent d’une manière ou d’une autre, à la chose. C’est également un crime a à tendance génocidaire, parce qu’il ne s’agit pas seulement de tuer des corps physiques, mais de tuer tout ce qui constitue les femmes en tant que femmes : en tant qu’identité, en tant que peuple et même en tant qu’univers.” Christelle Taraud

“Le continuum féminicide inclut toutes les violences qui sont faites aux femmes, de la naissance à la mort, qui peuvent être les plus évidentes et les plus brutales, comme par exemple le meurtre ou l’assassinat, ou finalement les plus banalisées, les plus incorporées, les plus symboliques, voire même les plus épistémiques. Ce spectre doit être pensé dans une dynamique. Mais il y a fort à parier quand même que chaque femme, quel que soit l’endroit ou elle vit sur cette planète, rencontrera au moins quelques aspects de ce continuum.” Christelle Taraud

La chasse aux sorcières : tuer pour éradiquer les femmes indépendantes

“La sorcière est une construction fantasmatique, car les sorcières sont potentiellement toutes les femmes. On nous dit que ce sont des femmes âgées et isolées, mais aussi des jeunes femmes tentatrices ou des femmes mariées qui commettent l’adultère, des femmes savantes avec des compétences médicales, biologiques… Enfin, on nous dit que ce sont des femmes puissantes, qui sont propriétaires ou qui habitent dans des villes où elles peuvent exercer des métiers ensuite considérés masculins. Leur chasse est une chasse contre les femmes et va occuper la majeure partie du XVIIème siècle. Dans le traité des dominicains, Le marteau des sorcières, publié au XVème siècle, on comprend que la chasse émane d’une haine, et surtout d’une peur des femmes, à une gynophobie obsessionnelle et destructrice.” Christelle Taraud

Esclavage et colonisation : les violences sexuelles

« Les femmes sont considérées comme des extensions des pater familias, de la parentalité élargie, de leur communauté, de leur nation, éventuellement de leur race. A travers les questions fortement liées de l’esclavage et de la colonisation, on voit à quel point les femmes esclaves sont privées de leur corps ce qui signifie d’une part qu’elles travaillent comme des bêtes de somme, mais aussi qu’elles subissent une violence sexuelle et reproductive. Les hommes esclaves peuvent subir des violences sexuelles dans le but de briser leur identité virile, mais cela reste très minoritaire. Les principales victimes sont les femmes et ce dès le trajet vers les Amériques. Dans les bateaux, les hommes et les femmes sont séparées et les encadrants du bateau choisissent une femme pour la traversée. » Christelle Taraud

Injonctions de beauté et troubles du comportement alimentaire

« Les troubles alimentaires sont extrêmement graves et concernent beaucoup de femmes en Occident. Un jour, je suis au régime et je ne mange rien ou une feuille de salade. Je vais m’affamer et ensuite tomber dans l’excès inverse et prendre dix kilos d’un coup. Les normes de beauté patriarcales ont un impact désastreux sur les femmes, tout particulièrement les plus jeunes. La question de l’anorexie mentale n’est pas du tout anecdotique car elle est le produit d’une injonction de beauté qui consiste à dire que si vous ne faites pas 1m75 et 45 kilogrammes, vous êtes grosse et donc laide. » Christelle Taraud