Féminicides : « Ce n’est pas vrai que les femmes ne parlent pas », dément la présidente de la Fondation des femmes

Anne-Cécile Mailfert dénonce un « relâchement » dans le travail des enquêteurs sur les violences conjugales depuis la fin des confinements dus au Covid. « Il faut parfois plusieurs plaintes pour qu’il y ait des enquêtes déclenchées », assure-t-elle.

Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

« Ce n’est pas vrai que les femmes ne parlent pas. Mais aujourd’hui, la société ne les écoute pas encore suffisamment », a réagi vendredi 26 août sur franceinfo Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes, alors que 122 victimes de féminicides ont été recensées en France en 2021, selon une étude du ministère de l’Intérieur. Ce chiffre est en hausse de 20% par rapport à 2020.

franceinfo : La majorité des femmes victimes de féminicide en 2021 avaient signalé subir des violences conjugales aux forces de l’ordre. Quelle est votre réaction ?

Anne-Cécile Mailfert : Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas vrai que les femmes ne parlent pas. Mais aujourd’hui, la société ne les écoute pas encore suffisamment et surtout, ne réagit pas suffisamment lorsqu’elle se rend compte que ces femmes sont victimes de violences. Parce que même lorsqu’elles vont le signaler à la police, il faut parfois plusieurs plaintes pour qu’il y ait des enquêtes déclenchées. Et la différence entre 2020 et 2021, avec 20% de féminicides en plus, nous la corrélons directement au fait que la police et la justice se sont concentrées sur ce sujet en 2020, avec le Covid et les confinements. Et on a ensuite vu un relâchement en 2021, avec d’autres priorités arriver, comme les rodéos urbains, qui sont venues embouteiller le travail des enquêteurs et de la justice. Alors qu’en 2020, on avait vraiment beaucoup parlé des violences conjugales, ce qui avait été très bénéfique puisqu’on avait vu une baisse des féminicides.

Le travail qu’il est peut-être nécessaire de faire est d’évaluer le danger qu’encourent ces femmes lorsqu’elles viennent porter plainte ?

Ce n’est pas forcément toujours facile, mais il y a quelques éléments déterminants. Par exemple, il faut toujours poser la question : Est-ce que cette personne possède une arme à feu ?, parce que l’on sait que c’est l’arme la plus utilisée dans les cas de féminicide. C’est déjà un premier élément déterminant, qui permet tout de suite de réagir. Il faut prendre les plaintes des femmes très au sérieux. Lorsqu’on parle d’une femme qui est en danger de mort, ça peut être vraiment très rapide.

« La plupart des féminicides sont commis trois semaines après la séparation. Le moment où la dame va porter plainte, c’est là qu’il faut immédiatement la protéger. »

Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes

à franceinfo

Isabelle Rome, la ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, parle de chiffres « glaçants » malgré les moyens débloqués. Reconnaissez-vous un effort financier de l’État ?

Au vu du problème dont on parle, il y a vraiment très peu de choses débloquées en termes financiers. Par contre, c’est sûr qu’il y a une mobilisation de la société dans son ensemble et de l’État. On a vu des professionnels des services publics beaucoup plus mobilisés, des associations qui ont redoublé d’efforts, surtout pendant le confinement. Par contre, on voit quand même un relâchement.

« On entend peu Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, parler de ce sujet-là. Le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti non plus, et ça se ressent sur le terrain. »

Anne-Cécile Mailfert

à franceinfo

Et quand on sait que depuis Me Too, il y a 66% de femmes en plus qui portent plainte, il aurait fallu embaucher 66% d’enquêteurs en plus.