Violences conjugales : une association féministe dénonce le mauvais accueil des femmes par les forces de l’ordre
Selon le collectif «#NousToutes», dirigé par la militante Caroline De Haas, 66% des personnes ayant porté plainte, ou essayé de le faire, font état d’une mauvaise prise en charge par les forces de l’ordre.
«Madame, on ne reste pas quand ça se passe mal», «Quand vous êtes en couple avec ces gens-là, il faut s’attendre à prendre des coups», «Pourquoi vous ne l’avez pas repoussé ? Pourquoi vous n’êtes pas partie ?» : ces phrases recueillies par le collectif #NousToutes, seraient celles qu’ont entendues des femmes alors qu’elles se présentaient en commissariat pour déposer une plainte pour des violences sexuelles ou sexistes.
En seulement 15 jours, près de 3500 personnes ont répondu à un appel à témoignages lancé par le collectif féministe début mars. Et le résultat est sans appel : 40% des personnes ayant porté plainte, ou essayé de le faire, témoignent d’une mauvaise prise en charge en commissariat ou gendarmerie et 26% déclarent à la fois un bon et un mauvais accueil. Soit au total, 66% des répondants, dont 97% sont des femmes, témoignent d’une mauvaise prise en charge de la part des forces de l’ordre.
Parmi les témoignages datant de ces deux dernières années et concernant des faits de violences conjugales, 59% ne sont pas satisfaites de l’accueil qui leur a été réservé par les forces de l’ordre. Pourtant, lors de la présentation le 5 mars dernier des résultats de l’audit 2020 sur l’accueil des victimes de violences conjugales en commissariats et brigades de police, le ministère de l’Intérieur affirmait que «90% des victimes ont jugé satisfaisant leur accueil» dans ces établissements, et que «95% disent n’avoir eu aucune difficulté pour faire enregistrer leur plainte».
«Décalage avec la réalité de terrain»
Des chiffres en «total décalage avec la réalité de terrain à laquelle les associations féministes sont confrontées ou avec les témoignages qui se multiplient sur les réseaux sociaux » écrit #NousToutes dans un communiqué. C’est d’ailleurs suite à la publication des résultats de cet audit, et du témoignage d’une internaute sur Twitter, que #NousToutes a lancé son appel à témoignages.
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La méthode employée par les inspections générales de la police (IGPN) et de la gendarmerie nationale (IGGN) pour mener l’audit du ministère de l’Intérieur peut éclairer, en partie, les chiffres obtenus. L’enquête porte uniquement sur l’expérience en commissariat de 2072 victimes ayant pu déposer plainte, «et pas celles qui sont parties avant de le faire, parce qu’on ne peut accéder à elles» déclarait Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministère de l’Intérieur, dans une interview à Libération .
Or, les personnes à qui des policiers ou gendarmes ont refusé de prendre les plaintes ne sont pas des cas isolés. 55% des femmes ayant témoigné auprès de #NousToutes d’une mauvaise prise en charge par les forces de l’ordre dans les cas de violences conjugales évoquent un «refus de prendre la plainte ou un découragement à prendre la plainte».
«Des mensonges»
Caroline De Haas, fondatrice de #NousToutes, accuse les résultats de l’audit du ministère de l’Intérieur d’être «mensongers». «On sait qu’il y a des dysfonctionnements massifs dans l’accueil de femmes, et plutôt que de dire «il y a un problème on va le traiter» on fait une communication complètement mensongère pour dire qu’il n’y a pas de problème, a minima c’est de l’incompétence mais c’est surtout malveillant.»
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Contacté par Le Figaro, le ministère de l’Intérieur a réagi au décalage entre les chiffres présentés début mars et ceux publiés par #NousToutes en déclarant qu’il faisait « tout pour améliorer l’accueil des femmes dans les commissariats et les brigades de gendarmeries. Ces dernières années l’accueil des femmes s’est sensiblement amélioré, il y a des choses qu’on entendait encore il y a cinq ans qu’on n’entend plus aujourd’hui», et de déclarer que «chaque jour environ 400 interventions des forces de l’ordre permettent de sauver les vies des femmes face aux violences conjugales. Les mesures du Grenelle des violences conjugales ont permis d’instaurer des grilles d’évaluation du danger ou la saisie des armes: c’est concret et efficace. Nous restons mobilisés pour que 100% des plaintes soient prises qualifiées et transmises ! ».
Sur les réseaux sociaux, le collectif #NousToutes a lancé le 24 mars le hashtag #PrendsMaPlainte. Depuis, plusieurs dizaines de personnes ont témoigné sur Twitter de leurs expériences en commissariat de police ou gendarmerie.