« Bien que des progrès aient été réalisés, l’écart entre les revenus attendus des hommes et des femmes au cours de leur vie s’élève à 172 000 milliards de dollars, soit près de deux fois le PIB annuel mondial, souligne Mari Pangestu, directrice générale de la Banque mondiale pour les politiques de développement et les partenariats. Les gouvernements doivent accélérer le rythme des réformes législatives pour que les femmes puissent réaliser tout leur potentiel et qu’elles bénéficient pleinement et équitablement des fruits d’un développement vert, résilient et inclusif. »
Le rapport Les Femmes, l’Entreprise et le Droit mesure les lois et règlementations de 190 pays dans huit domaines ayant un impact sur la participation économique des femmes : Mobilité, Travail, Rémunération, Mariage, Parentalité, Entrepreneuriat, Actifs et Retraite. Ces données fournissent des repères objectifs et mesurables quant aux progrès mondiaux en matière d’égalité des sexes, et elles montrent que seuls 12 pays, tous membres de l’OCDE, ont atteint la parité légale entre les sexes. Cette nouvelle édition rend compte des résultats d’une enquête inédite portant sur les lois régissant la garde des enfants dans 95 pays, un aspect essentiel dans lequel les femmes ont besoin de soutien pour pouvoir accéder à, et conserver, un emploi rémunéré. Une analyse pilote de l’application effective des lois relatives à l’émancipation économique des femmes est également détaillée ; elle met en lumière la différence entre les lois en vigueur et la réalité vécue par les femmes.
Ce sont les régions du Moyen-Orient et Afrique du Nord, d’une part, et d’Afrique subsaharienne, d’autre part, qui ont enregistré en 2021 les plus fortes améliorations de l’indice établi par le rapport, même si elles restent globalement à la traine par rapport aux autres régions du monde. Le Gabon se distingue par une réforme complète de son code civil et la promulgation d’une loi visant à éliminer la violence à l’égard des femmes, des évolutions qui ont fait passer son score de 57,5 en 2020 à 82,5 en 2021.
Dans l’ensemble, le plus grand nombre de réformes a concerné les indicateurs Parentalité, Rémunération et Travail. De nombreuses réformes ont porté sur la protection contre le harcèlement sexuel au travail, l’interdiction des discriminations fondées sur le sexe, l’augmentation des congés payés pour les nouveaux parents et la suppression des restrictions professionnelles ciblant les femmes. Les indicateurs Rémunération et Parentalité obtiennent les notes les plus faibles de l’indice, mais ils ont néanmoins progressé l’année dernière de 0,9 et 0,7 point respectivement, pour atteindre des scores moyens de 68,7 et 55,6. Les améliorations de l’indicateur Parentalité sont principalement liées au congé de paternité et au congé parental partagé, mais son faible score souligne la nécessité d’accélérer les réformes dans ce domaine.
« Les femmes ne peuvent pas atteindre une égalité au travail si elles ne sont pas sur un pied d’égalité à la maison, observe Carmen Reinhart, vice-présidente principale et économiste en chef du Groupe de la Banque mondiale. Cela signifie qu’il faut uniformiser les règles du jeu et faire en sorte que le fait d’avoir des enfants ne se traduise pas par l’exclusion des femmes d’une pleine participation à l’économie et par des freins à la réalisation de leurs espoirs et de leurs ambitions. »
À travers le monde, 118 économies garantissent 14 semaines de congé maternité rémunéré. Plus de la moitié des pays étudiés (114) prévoient un congé paternité rémunéré, mais sa durée médiane n’est que d’une semaine. L’année dernière, la RAS de Hong Kong (Chine), qui offrait auparavant 10 semaines de congé maternité, en a étendu la durée minimale recommandée à 14 semaines. L’Arménie, la Suisse et l’Ukraine ont introduit un congé de paternité rémunéré, tandis que la Colombie, la Géorgie, la Grèce et l’Espagne ont mis en place le congé parental rémunéré, qui offre aux deux parents une certaine durée de congé pour s’occuper d’un enfant après la naissance. Les lois favorisant le congé paternité rémunéré peuvent permettre de limiter la discrimination sur le lieu de travail et d’améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.
L’édition 2022 du rapport présente les résultats d’études pilotes dans deux nouveaux domaines : l’environnement juridique des services de garde d’enfants et la mise en œuvre des lois. Un nombre croissant d’économies investissent dans l’accueil de la petite enfance pour favoriser le développement des enfants et, par ailleurs, prendre en compte le travail non rémunéré des femmes qui assument souvent une plus grande part des tâches familiales. L’exercice pilote a analysé les lois de 95 économies et révèle que la plupart de celles à revenu élevé de l’OCDE et d’Europe et Asie centrale réglementent les services publics de garde d’enfants, tandis qu’au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ainsi qu’en Asie du Sud, les lois imposent au secteur privé ou aux employeurs de fournir des services de garde aux parents qui travaillent.
Pour que les services de garde d’enfants soient plus abordables et plus largement utilisés, certains pays offrent un soutien financier aux parents ou aux prestataires. L’étude s’est également penchée sur des aspects qualitatifs de la réglementation, tels que le ratio enseignant-enfant, la taille maximale des groupes, les exigences en matière de formation des encadrants ainsi que celles relatives aux licences, aux inspections et aux rapports pour les prestataires de services de garde. Il est cependant nécessaire de recueillir davantage de données sur ce qui constitue des services de qualité et sur les aspects qui pourraient déterminer leur utilisation ou non par les parents.
Le nouveau rapport étudie également la mise en pratique des aspects mesurés par les indicateurs dans 25 économies. Une analyse des modalités de mise en œuvre des lois révèle un écart important entre la législation en vigueur et son application. Les lois ne suffisent pas à elles seules à améliorer l’égalité des sexes : les facteurs en jeu englobent non seulement leur respect et leur application, mais aussi les normes sociales, culturelles et religieuses. Ces écarts seront étudiés de manière plus approfondie dans les prochaines éditions des rapports Les Femmes, l’Entreprise et le Droit.
Les points marquants par région
Économies avancées : Les indicateurs des économies avancées continuent de progresser. La Grèce, l’Espagne et la Suisse ont promulgué des lois en 2021, toutes axées sur l’amélioration du congé rémunéré pour les nouveaux parents. Les seuls pays du monde à obtenir un score de 100 sont 12 économies avancées : Belgique, Canada, Danemark, Espagne, France, Grèce, Irlande, Islande, Lettonie, Luxembourg, Portugal et Suède.
Asie de l’Est et Pacifique : La région Asie de l’Est et Pacifique continue de réformer sa législation en faveur de l’égalité des sexes, mais le rythme est lent. Deux économies d’Asie de l’Est ont introduit des réformes l’année dernière : le Cambodge a mis en place un système de pension de retraite qui fixe un âge égal auquel les femmes et les hommes peuvent prendre leur retraite et percevoir une pension, tandis que le Viet Nam a éliminé toutes les restrictions à l’emploi des femmes.
Europe et Asie centrale : Avec un score moyen de 84,1, la région Europe et Asie centrale est la deuxième région la mieux notée. Quatre économies ont procédé à des réformes en 2021. L’Arménie et l’Ukraine ont introduit un congé de paternité rémunéré et la Géorgie un congé parental également rémunéré. L’Ukraine a par ailleurs harmonisé l’âge auquel les femmes et les hommes peuvent prendre leur retraite en bénéficiant d’une pension à taux plein. Enfin, Chypre autorise désormais les femmes à demander un passeport dans les mêmes conditions que les hommes. Des défis importants restent à relever pour les indicateurs Rémunération et Retraite, dont les scores moyens sont les plus bas de la région. Par exemple, près de la moitié des économies d’Europe et d’Asie centrale n’imposent pas une rémunération égale pour un travail de valeur égale, et les âges pour bénéficier d’une pension complète sont encore différents dans 17 pays.
Amérique latine et Caraïbes : Les femmes d’Amérique latine et des Caraïbes ont moins de trois quarts des droits reconnus aux hommes. L’année dernière, deux des 32 pays de la région ont adopté des réformes. L’Argentine a ainsi explicitement pris en compte les périodes d’absence dues à la garde des enfants dans le calcul des pensions de retraite. Pour sa part, la Colombie est devenue le premier pays d’Amérique latine à introduire un congé parental rémunéré, dans le but de réduire les discriminations à l’égard des femmes au travail. Seule la moitié des économies de la région garantit un congé paternité rémunéré.
Moyen-Orient et Afrique du Nord : En moyenne, les femmes du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord ne bénéficient que de la moitié des droits juridiques dont disposent les hommes. Toutefois, c’est la région qui a le plus amélioré ses lois grâce à des réformes dans cinq économies. Bahreïn a imposé une rémunération égale pour un travail de valeur égale et a levé les restrictions sur le travail de nuit pour les femmes. Le pays a également abrogé les dispositions donnant aux autorités compétentes le pouvoir d’interdire ou de restreindre l’accès des femmes à certains emplois ou secteurs d’activité. L’Égypte a adopté une législation protégeant les femmes contre les violences domestiques et a facilité leur accès au crédit en interdisant la discrimination fondée sur le sexe dans les services financiers. Le Koweït a interdit la discrimination sexuelle à l’emploi et a adopté une législation sur le harcèlement sexuel au travail. Le Liban a promulgué une loi pénalisant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, et Oman a autorisé les femmes à obtenir un passeport au même titre que les hommes.
Asie du Sud : Dans cette région, les femmes ne disposent que de deux tiers des droits juridiques accordés aux hommes. Une seule économie de la région a mené des réformes en 2021. Le Pakistan a levé les restrictions imposées sur la capacité des femmes à travailler la nuit.
Afrique subsaharienne : L’éventail des scores est très large en Afrique subsaharienne : il va de 89,4 à Maurice à 29,4 au Soudan. Néanmoins, la région a mis en œuvre de profondes réformes et enregistré la deuxième plus forte progression de l’indice l’année dernière. Le Gabon se distingue, avec des réformes complètes de son code civil et la promulgation d’une loi sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Ces modifications ont donné aux femmes les mêmes droits que les hommes pour choisir leur lieu de résidence, obtenir un emploi sans l’autorisation de leur mari, et elles ont supprimé l’obligation pour les femmes d’obéir à leur époux et leur permettent d’être chef de famille au même titre que les hommes. Le Gabon a accordé aux épouses des droits égaux sur les biens immobiliers et une autorité administrative analogue à celles des hommes sur les biens pendant le mariage. Le pays a également adopté une législation protégeant les femmes contre la violence domestique, et d’autres réformes ont permis aux femmes d’ouvrir un compte bancaire de la même manière que les hommes et ont interdit la discrimination fondée sur le sexe dans les services financiers.
L’Angola a adopté une loi criminalisant le harcèlement sexuel au travail. Le Bénin a supprimé les restrictions à l’emploi des femmes dans le secteur de la construction, de sorte qu’elles peuvent désormais occuper tous les emplois au même titre que les hommes. Le Burundi a imposé une rémunération égale pour un travail de valeur égale, tandis que la Sierra Leone a facilité l’accès des femmes au crédit en interdisant la discrimination fondée sur le sexe dans les services financiers. En revanche, le Togo a promulgué une nouvelle loi qui n’interdit plus le licenciement des salariées enceintes, réduisant ainsi les opportunités économiques des femmes.