Le nombre de femmes tuées par leur conjoint ou leur ex-conjoint en France en 2022 est quasi stable par rapport à l’année précédente avec 118 féminicides recensés, soit quatre de moins qu’en 2021, selon un bilan publié samedi par le ministère de l’Intérieur.
« Les chiffres stables montrent que les efforts ne sont pas suffisants pour prévenir les violences et protéger les femmes victimes. Il faut en faire une priorité, comme ce fut le cas en 2020 » à estimé Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes.
« Lorsque nous prenons connaissance des derniers chiffres sur les morts violentes au sein d’un couple, nous ne pouvons qu’en souligner la gravité » a réagi la ministre chargée de l’Egalité Femmes-Hommes Bérangère Couillard. « Nous soulignons une légère baisse car chaque vie compte. Toutefois, l’engagement au sein du Gouvernement reste entier pour lutter contre les violences conjugales » assure-t-elle.
L’étude a été publiée deux jours après le meurtre à la machette d’une policière en pleine rue dans un village de Savoie. Son ex-mari, interpellé vendredi, a été placé en garde à vue dans l’enquête ouverte pour « assassinat ».
En moyenne, une femme est tuée par son conjoint ou ex-conjoint tous les trois jours.
Au total, 145 personnes dont 118 femmes et 27 hommes sont morts des suites de violences au sein du couple en 2022. Les femmes représentent 81% des victimes contre 85% en 2021, une part stable depuis 2006.
Le nombre de féminicides se situe dans la moyenne de la dernière décennie, marquée par un pic en 2019 (146 féminicides) suivie d’un point bas en 2020 (102), dans le contexte de la pandémie de Covid-19. L’étude note en revanche une forte hausse des tentatives d’homicides au sein du couple (+45%), avec 366 faits enregistrés l’année dernière, contre 251 en 2021. 267 de ces victimes de tentative d’homicide sont des femmes.
« Le profil type de l’auteur n’a pas changé. Il est majoritairement masculin (84%), le plus souvent en couple, de nationalité française, âgé de 30 à 49 ans et n’exerçant pas ou plus d’activité professionnelle » résume le ministère de l’Intérieur.
Les femmes victimes (81%) sont le plus souvent de nationalité française, âgées de 30 à 49 ans et sans emploi.
« IL Y A DES FAILLES DANS LA RÉPONSE JUDICIAIRE »
31% des femmes victimes avaient déjà subi des violences de leur conjoint ou ex-conjoint avant leur décès et 65% d’entre elles avaient signalé les faits aux forces de l’ordre. 16 des 118 victimes avaient même déposé une plainte.
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Ces données publiées quatre ans après le lancement du Grenelle des violences conjugales ont ulcéré les défenseures des droits des femmes. « Certaines femmes tuées avaient déjà signalé des faits de violence : il y a eu des failles dans la réponse judiciaire, pas assez de mesures de protection ou de suivi, beaucoup trop de plaintes sont classées sans suite.
Les sanctions sont insuffisantes au regard des violences subies », a réagi Françoise Brié, directrice de la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF), l’association association qui gère le numéro d’aide dédié aux victimes de violences conjugales, le 3919.
« Le manque d’investigations cause souvent les classements sans suite. Autrement dit, la police n’enquête pas et l’État laisse les femmes être tuées », renchérit l’avocate Violaine De Filippis, porte-parole d’Osez le féminisme et autrice de « Classées sans suite », qui sort en septembre.
La dispute (26%) et le refus de la séparation (23%) demeurent les principaux mobiles du passage à l’acte. Les faits sont en majorité commis au domicile du couple, de la victime ou de l’auteur (87%), sans préméditation (92%), principalement avec une arme blanche (43%) ou une arme à feu (20%).
L’asphyxie, par strangulation ou étouffement, est le troisième mode opératoire (17%), exclusivement masculin. Plus d’un tiers des auteurs (37%) se sont suicidés ou ont tenté de se suicider après les faits. Là encore, ce sont en très large majorité des hommes : 50 hommes, pour seulement trois femmes.
Les départements qui enregistrent le plus de faits sont le Nord, les Alpes-Maritimes et le Rhône, puis la Seine-Saint-Denis. Enfin comme en 2021, 12 enfants mineurs sont décédés dans la sphère familiale, victimes d’infanticides.