« Un effet huis clos » : cet été encore, les féminicides s’enchaînent partout en France

Mulhouse, Vélizy, Villeneuve sur Lot, Saint-Brévin-les-Pins… Entre le 1er juillet et le 15 août, le collectif Féminicides par compagnon ou ex décompte déjà 18 féminicides en France. Une situation qui se vérifie malheureusement chaque été, particulièrement au mois d’août.

Magali, 42 ans, poignardée à mort le 11 août. Riane, 22 ans, poignardée à mort elle aussi, la veille. Sonia, 51 ans, abattue à Mulhouse le 8 août. Alors que la seconde quinzaine d’août commence tout juste, le collectif « Féminicides par compagnon ou ex » décompte déjà 18 féminicides depuis le 1er juillet. (et 72 depuis le début de l’année). Un chiffre alarmant mais qui n’est malheureusement pas nouveau. L’année dernière, pour la même période, le collectif relevait le même nombre de féminicides.

Durant les deux mois d’été, les victimes de violences conjugales sont encore plus vulnérables et seules, du fait notamment du ralentissement de la vie associative et des « vacances judiciaires », provoquant un effet de confinement pour les victimes.

Une période comparable à celle des fêtes de fin d’année

L’une des co-fondatrices du collectif « Féminicides par compagnon ou ex » compare l’été à la période des fins d’années, plus propices aux disputes, ou quand des projets sont prévus et qu’ils peuvent s’écrouler si la compagne s’en va. « Le sentiment de contrôle des événements et des femmes » qu’ont ces hommes s’évapore, explique-t-elle. Et puis « l’été, avec les vacances, il y a cet effet huis clos. Les hommes obsessionnels vont être justement soit en vacances, soit seuls avec la victime. Ils peuvent aussi être tout seuls, sans les contraintes sociales habituelles comme le travail et ils vont alors se focaliser uniquement sur leur victime », ajoute Blandine Deverlanges, porte-parole d’Osez le féminisme dans le Vaucluse et créatrice du collectif l‘Amazone à Avignon.

On constate bien une augmentation des féminicides pendant l’été, « particulièrement pendant le mois d’août, particulièrement meurtrier », relate Alisson Blondy, vice-présidente de la Fédération nationale des victimes de féminicides. Difficile de donner une seule explication, mais « il y a plusieurs facteurs qui peuvent entrer en jeu », précise-t-elle. « Premièrement, ce sont les vacances au niveau des associations de territoire, notamment au mois d’août. Ce sont également les vacances judiciaires, avec moins d’avocats disponibles ». Ainsi, le sentiment d’impunité peut jouer, relate-t-elle.

Blandine Deverlanges souhaite le souligner, « les responsables, ce sont les hommes. Aucune circonstance ne justifie un féminicide ». Dans son département, en moins de 15 jours, deux victimes de féminicide se sont ajoutées à la trop longue liste de l’été : une femme de 51 ans tuée d’une trentaine de coups de couteaux à Cavaillon le 25 juillet, et une femme d’une trentaine d’année retrouvée morte à Pernes-les-Fontaines le 5 août. « L’ex compagnon de la première victime était déjà allé la menacer devant chez elle, alcoolisé, la nuit précédent le drame. Il n’a même pas été emmené par les gendarmes et le lendemain, il la poignardait devant son travail et ses collègues. D’une trentaine de coups de couteaux, vous imaginez », lâche Blandine Deverlanges.

La militante alerte sur un autre point : si le collectif « Féminicides par compagnon ou ex » comptabilise 17 féminicides depuis le début de l’été, et « Nous toutes » 23. Mais pour Blandine Deverlanges, « le chiffre est sûrement encore plus important ». Elle se souvient notamment de Marie-Pascale Sidolle, aide-soignante disparue sur le parking de l’hôpital d’Avignon en avril 2019. Ses enfants clamaient que son ancien compagnon l’avait enlevée. Ses ossements ont été retrouvés en juin 2021 et son ancien compagnon a été écroué un mois plus tard. Toutefois, sa mise en examen ayant été déclarée seulement trois ans après les faits, la mort de Marie-Pascale Sidolle n’est pas comptabilisée comme un féminicide par le ministère de l’Intérieur (en revanche, il apparaît dans le décompte du collectif Féminicides par compagnon ou par ex).

« Depuis l’abolition de la peine de mort en 1981, j’ai compté, 6.000 femmes tuées par leur conjoint, en 40 ans. Les hommes continuent à avoir un droit de vie ou de mort sur les femmes », conclut, la gorge serrée, Blandine Deverlanges.