Le féminicide : enjeu majeur de société.

L’actualité médiatique égrène tous les deux jours les circonstances d’un féminicide. Si le mot semble, depuis quelques mois, découvert par le grand public et passer dans le langage commun et courant et préoccuper les pouvoirs publics sous forme de « Grenelle des violences faites aux femmes », des recherches menées par un groupe de chercheurs de l’université de Poitiers depuis plusieurs années décrivent, par un éclairage pluridisciplinaire, une réalité ancrée dans l’histoire, intime et sociétale, à l’échelle internationale.

Les crimes commis spécifiquement contre les femmes sont une réalité sociale qui alerte les pouvoirs publics et les chercheurs. Un ouvrage, On tue une femme. Histoire et actualité du féminicide (L. Bodiou, F. Chauvaud, M.-J. Grihom, L. Gaussot et allii., Hermann, 2019), réalisé par des collègues membres de plusieurs laboratoires poitevins, ainsi que la MSHS, avec l’appui de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances de l’Assemblée Nationale, et le concours d’un laboratoire de recherche de l’Université Paris Diderot est paru. Les contributions scientifiques permettent de prendre la mesure du phénomène et de comprendre les débats actuels.

Faits divers /faits de société/faits de vocabulaire

De tout temps et en tous lieux, des femmes ont été maltraitées, brutalisées et élevées dans une culture de l’infériorité. Les violences exercées contre elles, du mariage forcé aux coups répétés, sont des violences de genre qui induisent une sorte de banalité, voire d’impunité, conduisant au crime de sang. Lorsque l’On tue une femme en raison de son sexe, il s’agit d’un féminicide qui est un crime de haine contre les femmes, pour ce qu’elles sont ou ce qu’elles représentent. De nombreux pays d’Amérique latine ont fait figurer la notion de féminicide dans les législations nationales. Du continent asiatique auquel les filles « manquent », à l’Amérique du Nord, en passant par les pays européens qui tentent de légiférer, sans oublier l’Afrique et les organisations internationales, dont l’ONU et l’OMS, une prise de conscience s’est fait jour : le féminicide est un fléau universel et le défi majeur des sociétés au XXIe siècle. Le mot a fait son apparition dans un dictionnaire français, Le Robert, en 2015.

Une recherche pluridisciplinaire

Une équipe poitevine, associant des enseignants-chercheurs de diverses disciplines, histoire, droit, médecine légale, anthropologie, sociologie, psychologie, travaille depuis plusieurs années sur la thématique des violences faites aux femmes : des colloques, des journées d’études à l’université de Poitiers, où à l’Assemblée Nationale, à l’invitation, à plusieurs reprises, de la Délégation parlementaire aux droits des femmes et à l’égalité ont jalonné ces diverses initiatives, d’abord concrétisées par un premier ouvrage Le corps en lambeaux (PUR, 2016, Préface de Catherine Coutelle et postface de Michelle Perrot), puis, tout récemment par Une femme sur trois. Les violences faites aux femmes d’hier à aujourd’hui, (Éditions de l’Atlantique, 2019), prolongeant une exposition itinérante présentée à l’Espace Mendès France.

Plutôt qu’une tentative d’explication définitive, le lecteur lira au fil des pages la grande diversité des approches, sans pour autant se disperser, sur ces actes meurtriers dirigés contre les femmes parce qu’elles sont des femmes. La démographie, l’histoire de l’art, les sciences de l’information et les sciences politiques apportent d’utiles compléments.

L’épaisseur du féminicide

« Fémicide » ou « féminicide » le crime commis contre des femmes parce qu’elles sont femmes possède une histoire. Le féminicide peut-être systémique – les tueurs de femmes dans l’histoire ou les tueries perpétrées au Guatemala ou à Ciudad Juárez, au Mexique, sans oublier les femmes natives du Canada, les crimes d’honneur, les avortements sexués, les fœticides. Il est aussi intime et correspond aux crimes conjugaux commis par des maris, des ex-époux, des conjoints ou compagnons ou ex-compagnons. Le mot féminicide lui-même n’a rien d’idéologique, il relève du constat établi par exemple dès 2012 par l’ONU femmes qui l’adopte. Aujourd’hui des juristes s’interrogent pour savoir s’il faut introduire le mot dans le Code pénal, à la manière de nombreux pays d’Amérique Latine, mais chacun reconnaît qu’il est nécessaire de reconnaître la réalité des féminicides.

En somme, cet ouvrage nous apprend comment le terme féminicide a été et est un formidable accélérateur pour saisir l’actualité des crimes commis contre les femmes. Observateurs sociaux, journalistes, pouvoirs publics ont été obligés de sortir du silence et de composer avec lui et de donner une réponse, plus ou moins forte en fonction des espaces nationaux. On tue une femme est aussi une invitation à poursuivre les travaux et à œuvrer pour lutter contre les violences faites aux femmes, devenues un enjeu majeur de société.

La comptabilité macabre, dont les chiffres ne varient guère en France d’une année à l’autre, livre des informations précises et incontestables : « 123 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire intime « officiel » (conjoint, concubin, pacsé ou « ex ») ou non officiel (petits amis, amants, relations épisodiques…) ; 34 hommes ont été tués par leur partenaire ou ex-, dont trois au sein de couples homosexuels ; 25 enfants mineurs sont décédés, tués par un de leurs parents dans un contexte de violences au sein du couple ». Le féminicide à notre porte est un crime de propriétaire.

LES DIFFÉRENTS TYPES DE VIOLENCE CONJUGALE

 

La violence conjugale se développe par cycles de plus en plus rapprochés dont l’intensité et la fréquence peuvent conduire à la mise en danger de la victime et de ses enfants.

Les gestes ou comportements violents font partie d’une stratégie pour contrôler ou imposer à l’autre sa volonté en utilisant les coups, l’humiliation, le dénigrement, les insultes, les menaces, le chantage. La violence conjugale constitue un abus de pouvoir et de confiance. Elle entrave des relations basées sur l’égalité et le respect. L’isolement, la honte, le poids des idées reçues, les sentiments de culpabilité et d’échec, plongent les victimes dans le silence, les empêchent d’agir et d’envisager une issue à la souffrance.

 

 La violence verbale

La violence verbale peut s’entendre. Si certains hommes violents vont, élever le ton, pour intimider leurs compagnes, d’autres, au contraire, vont prendre une voix plus suave, la victime reconnaîtra bientôt cette tonalité dangereuse. Un autre gardera son timbre habituel, mais abreuvera d’injures, de menaces, de sarcasmes sa compagne.

 La violence psychologique

La violence psychologique s’exprime par des attitudes diverses, des propos méprisants, humiliants. Le compagnon violent renvoie à la victime une image d’incompétence, de nullité. Il l’atteint dans son image à travers le regard des autres. Progressivement la victime perd confiance en elle-même, en ses possibilités. Peu à peu s’installe le désespoir, une acceptation passive de ce qui arrive. Elle s’isole, s’enferme dans sa honte, n’ose plus prendre d’initiative. Cette violence peut conduire à la dépression, à l’alcoolisme, au suicide.

 La violence économique

La violence économique exercée différemment selon les milieux (allocations familiales jouées ou dépensées au bar ; revenus déposés sur un compte joint dont lui seul détient la signature, carnets de chèques et carte bancaire ; biens immobiliers de madame qui disparaissent sous la gestion bienveillante de monsieur…), cette violence aura pour objet de déposséder la victime de toute possibilité d’autonomie financière.

 La violence sexuelle

La violence sexuelle est la plus cachée. La personne violente oblige sa compagne à avoir des rapports sexuels malgré elle, avec lui ou avec d’autres partenaires selon ses propres fantasmes, parfois il la forcera à se prostituer. Les viols, les agressions sexuelles, les rapports acceptés sous la contrainte ou pour le calmer sont réguliers. Les victimes ont beaucoup de mal à en parler parce qu’elles restent associées aux obligations du mariage et du devoir conjugal.

 

 La violence physique

La violence physique, contrairement à une idée répandue, n’est pas toujours présente dans des situations de violence conjugale. Le partenaire utilise cette forme de violence quand sa compagne manifeste encore trop d’indépendance à son goût, quand il n’a pas réussi à contrôler tous les comportements de celle-ci. Il passe donc aux coups, à la brutalité ou à la contrainte physique.

 

 La violence administrative

​La violence administrative est la confiscation de documents (carte nationale d’identité, permis de conduire, livret de famille, carte vitale…). Elle concerne notamment les femmes d’origine étrangère. La rupture de la vie commune peut avoir une incidence sur le droit de séjourner sur le sol français. Il arrive, également, à l’occasion d’un séjour à l’étranger, que le conjoint confisque le passeport de sa femme pour l’empêcher de revenir sur le sol français.

Mémo de Vie : une plateforme pour aider les personnes victimes de violences

Mémo de Vie est une plateforme gratuite et sécurisée qui accompagne les victimes de violences ainsi que leurs proches témoins afin de les aider à prendre conscience de leur situation et leur donner accès à des informations et des contacts correspondant à leurs besoins. Elle permet aussi de sauvegarder en toute discrétion et sécurité les documents officiels, photos, vidéos, enregistrements audios utiles pour les démarches. À l’occasion de la journée internationale des Nations Unies contre les violences faites aux femmes le 25 novembre, Service-Public.fr vous présente ce service.

Comment ça marche ?

En créant un espace personnel sécurisé sur la plateforme Mémo de Vie, les victimes de violences et leurs proches ont accès à quatre fonctionnalités :

  • Le « Journal » dans lequel la personne a la possibilité de décrire les faits et d’en garder une trace. Cela permet de prendre progressivement conscience de la situation et de pouvoir transmettre un récit cohérent et documenté pour faciliter l’enquête (en prouvant que les faits constituent des indices graves et concordants).
  • L’espace « Mes Documents » permet de stocker de manière sécurisée, cryptée et horodatée des éléments clefs qui pourraient faciliter un éventuel dépôt de plainte et une enquête (photos d’ecchymoses, enregistrements audios de menaces ou de témoignages, vidéos…), ainsi que des documents officiels (certificat médical, jugement de divorce, papiers d’identité…).
  • La rubrique « Contacts » propose les numéros de téléphone importants, aussi bien d’urgence que d’accompagnement de professionnels experts (chat anonyme, écoute, mise en relation…).
  • La « Bibliothèque » offre une sélection d’articles fiables pour se documenter et s’informer sur diverses thématiques relatives à sa situation : droit, santé, social, témoignages… Différents outils sont également disponibles pour permettre aux personnes victimes d’évaluer leur situation (le dépôt de plainte, l’aide juridictionnelle, le déroulé de la procédure pénale, l’hébergement d’urgence des victimes de violence conjugales, harcèlement scolaire…).

La plateforme est accessible sur ordinateur comme sur tablette ou téléphone. L’accès à son espace personnel nécessite un mot de passe et un code à 4 chiffres. Ce code est de nouveau demandé pour accéder et modifier les éléments sensibles.

Pour assurer la sécurité des utilisateurs, le site peut être quitté rapidement par un bouton « Vite, je quitte ».

  À noter : Conçue sous l’égide du ministère de la Justice, la plateforme Mémo de Vie est portée par la Fédération nationale d’aide aux victimes France Victimes qui fédère 130 associations locales réparties dans chaque région, intervenant dans l’accueil et l’écoute des victimes (atteintes à la personne ou aux biens, accidents de la circulation, actes de terrorisme, accidents collectifs…) et l’information sur les droits, le soutien psychologique et l’accompagnement social des victimes.

Mémo de Vie est aussi utile pour les proches et les professionnels

Mémo de Vie s’adresse également aux proches qui sont des témoins souvent impuissants. La plateforme les aide à garder une trace de ce à quoi ils assistent ou de ce que la personne victime leur rapporte. Elle leur fournit les clefs pour l’aider, l’épauler et l’orienter vers les bons interlocuteurs et les bonnes démarches.

Mémo de Vie a aussi vocation à faciliter le travail des professionnels. Ces derniers peuvent ainsi avoir accès, après un partage décidé par la personne concernée, à des informations clefs pour l’accompagner.

  À savoir : La loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire renforce la protection des victimes de violences conjugales. Ces victimes ne peuvent pas être maintenues en confinement avec l’auteur des violences. Elles doivent bénéficier d’un hébergement lorsque le conjoint violent ne peut pas être évincé du logement familial.

Le violentomètre : un outil pour aider à mesurer la violence dans le couple

Le violentomètre est un outil d’auto-évaluation, avec 23 questions rapides à se poser, qui permettent de repérer les comportements violents et de mesurer si la relation de couple est saine ou au contraire, si elle est violente.

Créé en Amérique latine, le violentomètre a été repris et adapté en 2018 par l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, en partenariat avec l’Observatoire parisien de lutte contre les violences faites aux femmes et l’association En Avant Toute(s).

Présenté sous forme de règle graduée, le violentomètre rappelle ce qui relève ou non des violences à travers une graduation colorée par 23 exemples de comportements types qu’un partenaire peut avoir.

Il indique s’il s’agit d’une relation saine en vert, s’il s’agit de violences qui n’ont pas lieu d’être en orange, et les cas de danger ou demander de l’aide pour se protéger est nécessaire.

Bien qu’il ait été conçu au départ pour les adolescentes et les jeunes femmes, le violentomètre s’adresse à toutes et tous, femmes et hommes quel que soit leur âge.

Au verso du violentomètre, la définition du consentement est rappelée : « Le fait de donner son accord de manière consciente, libre et explicite à un moment donné pour une situation précise. »

Le violentomètre est disponible à l’Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis.

Le violentomètre a été traduit en anglais, espagnol, arabe, mandarin, farsi et turc.
Il a également été adapté en version gros caractères, braille français intégral et présentation simplifiée pour une facilité de lecture.
Pour vous en procurer, vous pouvez appeler l’Observatoire au 01 43 93 41 93 ou écrire à odvf93@seinesaintdenis.fr

Violence conjugale : les mesures de protection.

Les violences conjugales sont punies par la loi, qu’elles visent un homme ou une femme, qu’elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles. Il s’agit des violences commises au sein des couples mariés, pacsés ou en union libre. Si vous êtes victime et que vous signalez les faits, vous pouvez être aidé et protégé. Vous pouvez bénéficier de l’aide et de la protection quelle que soit votre nationalité et quelle que soit la durée de votre séjour en France

Eloignement du conjoint violent du domicile conjugale 

L’auteur de violences conjugales peut être contraint, par les autorités, de quitter le domicile. La loi permet en effet l’éviction du conjoint ou concubin violent.

La victime, si elle le souhaite, peut aussi quitter le domicile.

Pour éviter que ce départ ne vous soit reproché, vous pouvez déposer une main courante au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie. Le fait de subir des violences conjugales peut justifier le départ du domicile.

Hébergement d’urgence

Vous pouvez appeler le Samu social pour avoir de l’aide, si vous avez dû quitter votre domicile à la suite de violences conjugales.

 

Ordonnance de protection

Si vous êtes victime de violences au sein de votre couple, vous pouvez déposer auprès du juge aux affaires familiales une requête en vue de la délivrance d’une ordonnance de protection. Vous pouvez faire cette démarche même si vous ne vivez pas en cohabitation avec l’auteur des violences.

En cas de danger pour vous ou vos enfants, ce juge peut en effet vous délivrer en urgence une ordonnance de protection, même si vous n’avez pas encore déposé plainte devant la justice pénale. L’ordonnance de protection vise à empêcher l’auteur des violences de s’approcher de vous et de vos enfants.

Procédure

La demande d’ordonnance de protection doit être introduite par requête auprès du juge aux affaires familiales compétent pour votre domicile.

Bracelet anti-rapprochement

Le bracelet anti rapprochement sert à vous protéger en tant que victime de violence conjugale, en empêchant votre conjoint ou ex-conjoint violent d’entrer en contact physique avec vous.

Lorsqu’il est mis en place, le bracelet permet de géolocaliser votre conjoint ou votre ex-conjoint.

Un système d’alerte se déclenche alors lorsque votre conjoint ou ex-conjoint s’approche de vous.

Un avertissement lui est alors adressé, et les forces de l’ordre peuvent intervenir s’il continue de s’approcher du lieu où vous êtes.

Le dispositif peut être mis en œuvre dans le cadre d’une procédure pénale ou dans le cadre d’une procédure civile.

La décision doit être prise par un juge.

Utilisation en matière pénale

En matière pénale, la décision de mise en place d’un bracelet anti rapprochement peut être prise avant ou après le jugement de la personne soupçonnée de violence conjugale.

Avant le jugement, la mesure peut être prise par le juge d’instruction ou par le juge des libertés et de la détention, dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

Après le jugement, la mesure peut être prise seulement si la personne soupçonnée de violence conjugale a été reconnue coupable des faits. La mesure est alors prise comme une condamnation à une peine, ou comme un aménagement de peine.

Utilisation en matière civile

En matière civile, la décision de mise en place d’un bracelet anti rapprochement peut être prise par le juge aux affaires familiales auquel vous avez demandé une ordonnance de protection: Décision urgente du juge aux affaires familiales instaurant des mesures destinées à protéger une victime de violence conjugale de son agresseur. Le juge prendra la décision s’il estime que vous êtes en danger, mais votre conjoint ou votre ex-conjoint doit obligatoirement donner son accord. S’il refuse, le juge pourra saisir le parquet: Corps de magistrats représentant les intérêts de la société devant les juridictions pour que la mesure puisse être éventuellement prise dans le cadre d’une procédure pénale.

Téléphone grave danger 

Le téléphone grand danger est un téléphone spécifique permettant à une victime de violences conjugales de contacter directement une plate-forme spécialisée en cas de danger. C’est cette plate-forme qui alertera la police ou la gendarmerie si nécessaire. La victime pourra être géolocalisée si elle le souhaite.

Ce téléphone est attribué par le procureur en cas d’éloignement du conjoint violent sur décision de justice, ou en cas de danger grave et imminent lorsque l’auteur des violences n’a pas encore été arrêté ou jugé. Le dispositif est destiné aux cas les plus graves de violences conjugales. Le téléphone est donné pour une durée de 6 mois renouvelable.

La victime sera également suivie par une association désignée par le procureur.

La décision d’accorder ou non le téléphone grand danger est prise par le Procureur de la République. Vous pouvez faire la demande directement auprès du parquet, ou auprès des policiers ou gendarmes qui la transmettront au parquet.

Qu’est ce que la violence conjugale ?.

Selon la définition, la violence conjugale se caractérise par une série d’actes répétitifs, qui se produisent généralement selon une courbe ascendante.

Les spécialistes appellent cette progression « escalade de la violence ». Elle procède, chez l’auteur(e) de la violence, selon un cycle défini par des phases marquées par la montée de la tension, par l’agression, par la déresponsabilisation, par la rémission et par la réconciliation. À ces phases correspondent, chez la victime, la peur, la colère, le sentiment qu’elle est responsable de la violence et, enfin, l’espoir que la situation va s’améliorer. Toutes ces phases ne sont pas toujours présentes et ne se succèdent pas toujours dans cet ordre.

 

La violence conjugale comprend les agressions psycholo­giques, verbales, physiques et sexuelles ainsi que les actes de domination sur le plan économique. Elle ne résulte pas d’une perte de contrôle; c’est plutôt un moyen pour dominer l’autre personne et pour affirmer son pouvoir sur elle. Elle peut être vécue dans une relation maritale, extra-conjugale ou amoureuse, à tous les âges de la vie.

QUELQUES CHIFFRES

Il faut également retenir que 8 victimes de violence conjugale sur 10 sont des femmes. Aussi, près de 1 travailleuse sur 3 a déjà subi de la violence conjugale.

Les conséquences de la violence conjugale sont sociales, écono­miques, physiques et psychologiques. Pour plus de la moitié des personnes victimes, la violence se poursuit au travail, rapporte le magazine Affaires universitaires. On parle de :

  • harcèlement par téléphone ou par texto (40,6 %);
  • harcèlement par courriel (15,6 %);
  • communication de l’agresseur aux collègues ou à l’employeur (14,5 %);
  • suivre la victime ou la harceler à proximité du travail (20,5 %);
  • l’intrusion sur les lieux du travail (18,2 %).

Toujours selon l’article de Melissa Fundira paru dans Affaires universitaires, on observe plusieurs conséquences sur le milieu de travail :

  • baisse d’énergie ;
  • confusion ;
  • diminution de l’attention ;
  • difficulté à prendre des décisions ;
  • hausse de l’absentéisme (notamment pour participer au processus judiciaire) ;
  • diminution de la productivité annuelle de 1,7 % à 2,7 % chez les personnes victimes de violence conjugale.

Des conséquences s’observent également au sein de l’équipe de travail de la personne victime :

  • sentiment d’insécurité ;
  • sentiment d’impuissance ;
  • prise du rôle de sauveur ;
  • anxiété ;
  • etc.

La littérature démontre que la période entourant une rupture de la relation conjugale est le moment où les risques de féminicide et d’infanticide sont les plus importants. Une étude publiée par Statistique Canada en 2001 rapporte que 49 % des homicides conjugaux sont commis dans les 2 mois suivant la séparation, 32 % dans les 2 à 6 mois qui la suivent et 19 % plus d’un an après celle-ci.

ET LA VIOLENCE COERCITIVE?

De plus en plus, les personnes intervenant dans le milieu utilisent le concept de violence coercitive. Théorisée en 2007 par Evan Stark, dans l’ouvrage Coercive control : How men entrap women in personal life, la violence coercitive est définie par le ministère de la Justice du Canada comme :

« un processus cumulatif et structuré qui survient lors­qu’un conjoint ou un ancien conjoint adulte tente, par des moyens émotionnels et psychologiques, physiques, économiques ou sexuels, d’exercer à l’égard de l’autre une coercition, une domination, une surveillance, une intimidation ou une autre forme de contrôle. »

Concrètement, la violence coercitive se manifeste par :

  • la privation des droits et des ressources (droit à la liberté, à l’autonomie, etc.);
  • la surveillance;
  • des manifestations de violence (physique, psychologique, etc.);
  • des paroles blessantes;
  • de l’isolement;
  • de la domination;
  • de l’exploitation.

Plus précisément, l’agresseur peut utiliser :

  • l’intimidation (p. ex., menaces de se suicider ou de partir avec les enfants) ;
  • le harcèlement lors de surveillance des déplacements et des contacts ;
  • la fouille des affaires personnelles de la victime ;
  • l’isolement (p. ex., lorsque l’agresseur interdit à la victime de parler ou de côtoyer certaines personnes) ;
  • la privation (p. ex., le contrôle financier ou l’interdiction d’obtenir des soins médicaux).

Les concepts de violence conjugale et de violence coercitive sont complémentaires.

En somme, la violence conjugale a comme leitmotiv la prise de contrôle. Celle-ci se manifeste par une série d’actes répétitifs. Généralement, elle s’installe graduellement, puis progresse insi­dieusement et de façon cyclique.

LE PRIVÉ EST POLITIQUE

Les féministes des années 1970 scandaient haut et fort que le privé est politique. Ce slogan dénonçait que le lieu privilégié de la domination masculine est justement la sphère dite privée.

Les féministes de l’époque réclamaient à la fois un rôle d’actrices dans la société et dénonçaient la violence qu’elles subissaient une fois la porte du domicile familial fermée. Plus encore, le mouvement des femmes affir­mait que les droits des femmes sont des droits de la personne.

Les choses ont évolué, mais ont-elles vraiment changé ?

Avec les nouvelles technologies de la communication, les auteurs de la violence utilisent la cyberviolence. Appels, textos, géolocalisation, espionnage, sextage et piratage des comptes sont largement utilisés. Il s’agit d’un autre exemple qui fait dire que le privé est poli­tique, car les victimes de violence conjugale n’ont jamais de répit, même au travail.

La violence conjugale est un enjeu social qui dépasse la sphère privée. Ainsi, il est de l’affaire de toutes et de tous de la contrer et de soutenir les victimes, y compris dans leur milieu de travail. Les employeurs et les syndicats ont donc un rôle clé à jouer.

Pour comprendre: Le cycle de la violence conjugale

Dans une relation conjugale marquée par la violence, le cycle se répète plus ou moins régulièrement et s’accélère avec le temps. En voici le processus, inspiré du schéma du Regroupement provincial des maisons d’hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale.

 

PHASE 1 : L’ESCALADE
Mise en place du système d’emprise
L’agresseur exerce des pressions psychologiques, contrôle, isole la victime.
La victimese sent inquiète, tente d’améliorer le climat, fait attention à ses propres gestes et paroles.

PHASE 2 : L’EXPLOSION
Épisode de violences (quelle que soit la forme)
L’agresseur donne l’impression de perdre le contrôle de lui-même mais prend en fait le contrôle de la situation.
La victime ne comprend pas et tente de calmer la situation.

PHASE 3 : LE TRANSFERT
Minimisation de la violence
L’agresseur porte la responsabilité des violences sur sa partenaire.
La victime se sent responsable de la situation.

PHASE 4 : LA « LUNE DE MIEL »
Moyen utilisé par l’auteur pour reconquérir la victime
L’agresseur promet un changement.
La victime lui donne une chance, lui apporte son aide, constate ses efforts, change ses propres habitudes.

L’ACCÉLÉRATION DES ÉPISODES DE VIOLENCE LAISSE LA VICTIME DE PLUS EN PLUS ÉPUISÉE,
Dans la confusion quant à l’analyse de sa situation et des responsabilités, dans le doute sur ses capacités à s’en sortir. Il faudra un événement déclencheur pour que la victime comprenne que son conjoint cherche à la détruire et que sa vie (et celle de ses enfants éventuellement) est en danger.

 

Pour comprendre: le pervers narcissique

Un pervers narcissique ou une personne atteinte d’un trouble de la personnalité narcissique est une personne qui a une image dévalorisante d’elle-même et qui se valorise en rabaissant les autres. Les hommes sont plus souvent touchés que les femmes par la perversion narcissique.

Cette personne se donne l’apparence d’un être supérieur aux autres et ressent un besoin exacerbé de se faire admirer. Elle manipule les proches de son entourage et ne ressent aucune culpabilité lorsqu’elle blesse les autres.

Le pervers narcissique peut être un conjoint, un ami, un collègue ou même un membre de sa famille, avec qui on entretient un lien étroit.

Le pervers narcissique :

  • entretient une communication floue ;
  • change fréquemment d’opinion ;
  • raconte des mensonges ;
  • éprouve de la jalousie ;
  • est incapable d’avouer ses torts ou d’assumer la responsabilité de ses actes ;
  • est incapable de reconnaître les besoins ou les sentiments d’autrui ;
  • est continuellement en quête de reconnaissance ou de succès ;
  • présente parfois plusieurs visages, par exemple, le passage d’une profonde tristesse à la colère lorsqu’il est contrarié ;
  • n’est pas conscient du mal qu’il provoque. Cependant, l’influence qu’il exerce sur autrui est calculée.

La personne qui est victime du pervers narcissique :

  • ressent de la culpabilité ;
  • se sent dévalorisée ;
  • reçoit de nombreuses critiques ;
  • ne se sent plus elle-même ;
  • sent qu’elle doit faire attention à tout ce qu’elle dit et fait pour ne pas contrarier l’autre.

Causes du trouble de la personnalité narcissique

Les causes du trouble de la personnalité narcissique sont à la fois complexes et inconnues.

Une enfance dysfonctionnelle (enfants surprotégés, enfants sur qui on a des attentes extrêmement élevées, enfants abusés ou négligés) pourrait être en cause.

Il est possible qu’un désordre génétique ou neurobiologique soit à l’origine de ce trouble de la personnalité mais rien n’est à ce jour prouvé.

Complications chez le pervers narcissique

Lorsqu’il n’est pas traité, un trouble de la personnalité narcissique peut conduire à :

  • l’abus d’alcool ou de drogues ;
  • la dépression ;
  • des pensées ou des comportements suicidaires ;
  • des difficultés relationnelles ;
  • des difficultés au travail ou à l’école.

Personnes à risque de tomber dans la perversion narcissique

  • Les personnes qui ont une faible estime d’elles-mêmes ou qui sont en situation de dépendance affective ;
  • les personnes qui ignorent l’existence du trouble de la perversion narcissique ou celles qui ne conçoivent pas qu’elles puissent exister.