L’application solidaire des femmes victimes de violences conjugales.

Face à une urgence, un danger ou une détresse, App-Elles® vous permet d’alerter rapidement vos proches, et de contacter les services de secours, les associations et toutes les aides disponibles autour de vous.

App-Elles® est la première application mobile solidaire des femmes victimes de violences. Cet outil conçu par l’association résonantes en 2015 a pour but de répondre aux principaux besoins d’assistance et de soutien des victimes et des témoins confrontés à une situation de violence présente, passée ou potentielle. Le principe est de faire gagner du temps aux utilisatrices et utilisateurs et les aider à trouver plus facilement les informations et les contacts qui peuvent leur être utiles et salutaires face à une situation de détresse, de danger ou d’urgence.

 

Les missions

  • Diffuser toutes les ressources d’aide d’un territoire à la population ;
  • Fournir des services et assistances complémentaires aux victimes ;
  • Optimiser l’organisation et l’intervention des secours ;
  • Sécuriser une communauté, un espace ou un événement ;
  • Rapporter les preuves d’une violence, d’un risque ou d’une menace.

L’application est 100 % gratuite, sans abonnement ni publicité.

Alerter ses proches et les secours

Jusqu’à trois personnes peuvent être définies comme contacts de confiance.

Au déclenchement d’une alerte, l’application notifie simultanément les trois contacts qu’une alerte en cours (le dispositif utilisant un protocole de communication IP). Les trois aidants vont pouvoir suivre en temps réel la situation et organiser l’intervention des secours. Les avantages opérationnels du dispositif sont nombreux :

  • Réception des alertes par notifications push sonores (alarme de 15 sec.) ;
  • Suivi de la position GPS sur carte, relevé des adresses et raccourcis vers les systèmes de guidage ;
  • Écoute en direct de l’environnement sonore (sons et voix) avec la possibilité de revenir au début de l’alerte et de reprendre le live à tout moment.
  • Enregistrement dès la première seconde du déclenchement de l’alerte et sans limite de durée ;
  • Précomposition des numéros des services d’urgence (112 et 114),
  • Système de communication Push to Talk permettant de parler avec la personne en détresse sans avoir à composer son numéro (Talkie Walkie).
  • Hors réseau, l’alerte est enregistrée sur le mobile puis partagée au serveur dès rétablissement de la connexion,
  • Les données de chaque alerte sont stockées sur le cloud et peuvent être téléchargées pour constituer des preuves en vue d’une procédure sociale ou judiciaire.

En parler avec des professionnels

L’application permet d’appeler les professionnels de l’accompagnement et de la prise en charge des victimes.

Elle répertorie les lignes d’aide (3919, 3020…) et plateformes de tchat en ligne (MaGendarmerie.frArretonslesviolences.gouv.fr…) aux niveaux local et national.

Agir

L’application dispose d’une carte interactive permettant aux utilisateurs de localiser les centres d’accueil et de prise en charge à proximité.

Elle répertorie les informations et ressources en ligne et propose des fiches conseils et de premiers secours.

Bilan de l’initiative

Dès sa sortie, App-Elles® a bénéficié d’une large couverture médiatique (nationale et internationale), du fait de son caractère inédit, solidaire et d’intérêt général. En 2019, elle remporte un prix de l’innovation au CES de Las Vegas et le premier grand prix du fonds de dotation pour le civisme en ligne de Facebook.

En 2020, 28 158 alertes ont été envoyées par 8 964 utilisateurs; 5 909 appels aux urgences (112) ont été lancés par 4 452 utilisateurs ; 3 210 SMS aux urgences (114) ont été envoyés par 2 522 utilisateurs; 1 528 Tchats avec la Police (arretonslesviolences.gouv.fr) ont été ouverts par 1 302 utilisateurs et 1 569 appels aux associations locales ont été effectués par 928 utilisateurs.

Au 1er décembre 2021, l’application comptait plus de 60 000 utilisateurs à travers le monde dont 53 000 résidant en France. Elle répertorie plus de 700 lignes d’aide, plus de 200 sites d’informations et référence plus de 9 000 structures d’accueil en France et à l’étranger (associations, commissariats, centres hospitaliers…)

L’application a également développé ses services en direction des professionnels de la sécurité et référents Egalité :

  • Développement d’une console d’administration des contenus réservée aux délégués aux droits des femmes et à l’égalité (plus de 25 délégués départementals en disposent déjà ;
  • Développement d’une console de supervision et de traitement des alertes réservée aux professionnels de la sécurité, CSU et polices municipales (expérimentation dans la métropole de Santiago du Chili),
  • Création d’APIs publiques ou privées permettant d’exploiter les contenus référencés.

Violence conjugale : les mesures de protection.

Les violences conjugales sont punies par la loi, qu’elles visent un homme ou une femme, qu’elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles. Il s’agit des violences commises au sein des couples mariés, pacsés ou en union libre. Si vous êtes victime et que vous signalez les faits, vous pouvez être aidé et protégé. Vous pouvez bénéficier de l’aide et de la protection quelle que soit votre nationalité et quelle que soit la durée de votre séjour en France

Eloignement du conjoint violent du domicile conjugale 

L’auteur de violences conjugales peut être contraint, par les autorités, de quitter le domicile. La loi permet en effet l’éviction du conjoint ou concubin violent.

La victime, si elle le souhaite, peut aussi quitter le domicile.

Pour éviter que ce départ ne vous soit reproché, vous pouvez déposer une main courante au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie. Le fait de subir des violences conjugales peut justifier le départ du domicile.

Hébergement d’urgence

Vous pouvez appeler le Samu social pour avoir de l’aide, si vous avez dû quitter votre domicile à la suite de violences conjugales.

 

Ordonnance de protection

Si vous êtes victime de violences au sein de votre couple, vous pouvez déposer auprès du juge aux affaires familiales une requête en vue de la délivrance d’une ordonnance de protection. Vous pouvez faire cette démarche même si vous ne vivez pas en cohabitation avec l’auteur des violences.

En cas de danger pour vous ou vos enfants, ce juge peut en effet vous délivrer en urgence une ordonnance de protection, même si vous n’avez pas encore déposé plainte devant la justice pénale. L’ordonnance de protection vise à empêcher l’auteur des violences de s’approcher de vous et de vos enfants.

Procédure

La demande d’ordonnance de protection doit être introduite par requête auprès du juge aux affaires familiales compétent pour votre domicile.

Bracelet anti-rapprochement

Le bracelet anti rapprochement sert à vous protéger en tant que victime de violence conjugale, en empêchant votre conjoint ou ex-conjoint violent d’entrer en contact physique avec vous.

Lorsqu’il est mis en place, le bracelet permet de géolocaliser votre conjoint ou votre ex-conjoint.

Un système d’alerte se déclenche alors lorsque votre conjoint ou ex-conjoint s’approche de vous.

Un avertissement lui est alors adressé, et les forces de l’ordre peuvent intervenir s’il continue de s’approcher du lieu où vous êtes.

Le dispositif peut être mis en œuvre dans le cadre d’une procédure pénale ou dans le cadre d’une procédure civile.

La décision doit être prise par un juge.

Utilisation en matière pénale

En matière pénale, la décision de mise en place d’un bracelet anti rapprochement peut être prise avant ou après le jugement de la personne soupçonnée de violence conjugale.

Avant le jugement, la mesure peut être prise par le juge d’instruction ou par le juge des libertés et de la détention, dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

Après le jugement, la mesure peut être prise seulement si la personne soupçonnée de violence conjugale a été reconnue coupable des faits. La mesure est alors prise comme une condamnation à une peine, ou comme un aménagement de peine.

Utilisation en matière civile

En matière civile, la décision de mise en place d’un bracelet anti rapprochement peut être prise par le juge aux affaires familiales auquel vous avez demandé une ordonnance de protection: Décision urgente du juge aux affaires familiales instaurant des mesures destinées à protéger une victime de violence conjugale de son agresseur. Le juge prendra la décision s’il estime que vous êtes en danger, mais votre conjoint ou votre ex-conjoint doit obligatoirement donner son accord. S’il refuse, le juge pourra saisir le parquet: Corps de magistrats représentant les intérêts de la société devant les juridictions pour que la mesure puisse être éventuellement prise dans le cadre d’une procédure pénale.

Téléphone grave danger 

Le téléphone grand danger est un téléphone spécifique permettant à une victime de violences conjugales de contacter directement une plate-forme spécialisée en cas de danger. C’est cette plate-forme qui alertera la police ou la gendarmerie si nécessaire. La victime pourra être géolocalisée si elle le souhaite.

Ce téléphone est attribué par le procureur en cas d’éloignement du conjoint violent sur décision de justice, ou en cas de danger grave et imminent lorsque l’auteur des violences n’a pas encore été arrêté ou jugé. Le dispositif est destiné aux cas les plus graves de violences conjugales. Le téléphone est donné pour une durée de 6 mois renouvelable.

La victime sera également suivie par une association désignée par le procureur.

La décision d’accorder ou non le téléphone grand danger est prise par le Procureur de la République. Vous pouvez faire la demande directement auprès du parquet, ou auprès des policiers ou gendarmes qui la transmettront au parquet.

Violence Conjugale : Le cercle infernal

Aujourd’hui, je vous partage un documentaire ressource sur « les violences conjugales » :

En Suisse, toutes les deux semaines, une femme meurt sous les coups de son partenaire. Reste que la violence conjugale n’est pas forcément synonyme de femmes battues. Les hommes aussi sont concernés et la violence dans le couple ne commence pas à partir des coups. Pourquoi les victimes acceptent-elles, parfois pendant des années, l’inacceptable ? Pour Temps Présent, des Romands témoignent de leur calvaire. Regards croisés sur un problème de santé publique, qui coûte des millions à la société et nous concerne tous.

Générique

Un reportage de Marie Abbet et Cédric Louis
Image : Yvan Illi Son : Otto Cavadini Montage : Emmanuelle Eraers

 

Violences conjugales : quatre choses à savoir sur le pack « nouveau départ » lancé ce vendredi

Isabelle Rome, ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes, lance ce vendredi dans le Val-d’Oise, la première expérimentation du pack « nouveau départ » pour aider les femmes victimes de violences conjugales. Le dispositif sera généralisé « d’ici à la fin 2025 ».

3. Où est-il lancé ?

Ce dispositif sera expérimenté pendant douze semaines dans le Val-d’Oise « Puis dans quatre autres territoires, dont un rural et un territoire des Outre-mer », précise Isabelle Rome. « Nouveau départ » sera ensuite « généralisé progressivement jusqu’à la fin 2025. » Par ailleurs, le rapport de la mission confiée à deux parlementaires pour réfléchir à une « justice spécialisée » dans les violences faites aux femmes sera rendu « début mars », ajoute la ministre.

4. Quelles sont les réactions des associations ?

L’annonce ne fait pas encore sensation. Sur France Info , Michelle Dayan, présidente de l’association Lawyers For Women, qui lutte contre les violences faites aux femmes, a émis, ce vendredi, quelques doutes. « Je crains qu’on ne se trompe d’arme pour lutter contre les violences faites aux femmes », déplore l’avocate, pour qui les victimes « ont besoin de justice, pas d’un pack ». Pour elle, le dispositif sous-entend aussi que « c’est à la victime de quitter le domicile mais c’est au conjoint violent de partir »17

Un dispositif pour sauver des vies. La ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Isabelle Rome, a détaillé, ce vendredi 3 mars 2023, les contours du pack « nouveau départ », destiné aux femmes victimes de violences conjugales sur France 2. Ce même jour, une première expérimentation est lancée dans le Val-d’Oise, six mois après l’annonce de sa création.

1. C’est quoi ce pack ?

Ce pack est destiné « à aider les femmes qui se sentent en situation de danger auprès de leur conjoint violent, à s’extraire des griffes de celui-ci », explique la ministre, invitée sur la chaîne télévisée. Pour l’ancienne magistrate, il s’agit de « permettre à ces femmes de partir avant qu’il ne soit trop tard » et ainsi, faciliter « ce parcours qu’elles peuvent imaginer très compliqué. »

2. Comment ça marche ?

Une femme victime de violences pourra se rendre auprès « d’une association, un médecin, à la police ou même auprès d’un maire dans un village » pour alerter sur sa situation. « Cette personne va pouvoir ensuite faire un signalement et contacter un seul référent » par département.

Ce signalement déclenchera auprès des « autres partenaires les aides financières » nécessaires pour favoriser un « retour à l’emploi », la « garde d’enfants »« l’accompagnement psychologique » ou encore le déclenchement d’un « hébergement d’urgence », liste la ministre. Fait important, le pack n’est pas conditionné à une plainte.

Lire aussi : Violences conjugales : vers une aide d’urgence pour les victimes

Pour rappel, « seules 34 % des victimes de violences conjugales portent plainte », appuie la responsable. Selon le gouvernement, les services de sécurité ont enregistré 208 000 victimes de violences commises par leur partenaire ou ex-partenaire. Soit une augmentation de 21 % par rapport à l’année passée.

3. Où est-il lancé ?

Ce dispositif sera expérimenté pendant douze semaines dans le Val-d’Oise « Puis dans quatre autres territoires, dont un rural et un territoire des Outre-mer », précise Isabelle Rome. « Nouveau départ » sera ensuite « généralisé progressivement jusqu’à la fin 2025. » Par ailleurs, le rapport de la mission confiée à deux parlementaires pour réfléchir à une « justice spécialisée » dans les violences faites aux femmes sera rendu « début mars », ajoute la ministre.

4. Quelles sont les réactions des associations ?

L’annonce ne fait pas encore sensation. Sur France Info , Michelle Dayan, présidente de l’association Lawyers For Women, qui lutte contre les violences faites aux femmes, a émis, ce vendredi, quelques doutes. « Je crains qu’on ne se trompe d’arme pour lutter contre les violences faites aux femmes », déplore l’avocate, pour qui les victimes « ont besoin de justice, pas d’un pack ». Pour elle, le dispositif sous-entend aussi que « c’est à la victime de quitter le domicile mais c’est au conjoint violent de partir ».

 

Ampleur de la violence conjugale au Québec.

Ampleur de la violence conjugale au Québec

Puisque la violence conjugale survient dans le cadre d’une relation intime et qu’elle se manifeste de diverses manières, et ce, de façon cyclique, il est difficile d’en déterminer l’ampleur avec exactitude. Les limites associées aux sources de données et aux instruments de mesure (voir l’encadré « Sources et limites ») se traduisent par des portraits de la violence conjugale très variables. Par exemple, la notion de pouvoir et de contrôle, au centre de la définition de la violence conjugale privilégiée par le gouvernement du Québec, n’est pas prise en considération ni dans les données policières ni dans les enquêtes populationnelles [6]. En fait, plusieurs composantes qui sont considérées par les chercheurs dans le domaine comme des éléments caractérisant la violence conjugale ne sont pratiquement jamais mesurées pour en déterminer l’ampleur; c’est notamment le cas du harcèlement [5]. Aux États-Unis, les plus récents travaux des Centers for Disease Control and Prevention sur la surveillance de la problématique ont introduit la notion de harcèlement dans la définition de la violence entre partenaires intimes, et proposent des indicateurs pour mesurer cet aspect [64].

Une autre difficulté pour déterminer l’ampleur du phénomène est liée à la provenance des données, par exemple s’il s’agit de données administratives ou si elles proviennent plutôt d’une enquête populationnelle4. Ces différentes sources, quoique souvent complémentaires, mesurent parfois des réalités fort distinctes : enquêtes auprès de la population générale ou de groupes particuliers (ex. : parents d’enfants), infractions enregistrées par les services policiers, données colligées auprès de populations cliniques (ex. : femmes en maisons d’hébergement ou conjoints judiciarisés) ou d’organismes qui offrent des services aux femmes et aux enfants victimes (ex. : maisons d’hébergement, réseau de la santé et des services sociaux, système de justice). De ce fait, le portrait de la violence conjugale au Québec et au Canada, que l’on retrouve dans les statistiques diffusées par différents organismes, affiche parfois des différences quant aux caractéristiques de la violence conjugale (ex. : répartition des victimes de violence conjugale selon le sexe, nature des comportements). Les statistiques permettant de déterminer l’ampleur et les caractéristiques de la violence conjugale présentées dans ce chapitre doivent donc être analysées en tenant compte de ces considérations.

Sources et limites

Les différentes façons de définir et de mesurer la violence conjugale ont donné lieu à un débat autour de la symétrie de la violence conjugale entre les hommes et les femmes5 [5,67]. En se basant sur des données issues d’enquêtes réalisées auprès de jeunes adultes et de la population générale, les tenants de la théorie de la symétrie soutiennent que les femmes seraient aussi violentes que les hommes dans un contexte conjugal, remettant en question la perspective féministe [65]. Les opposants à cette théorie relèvent quant à eux les limites des instruments de mesure avec lesquelles les données d’enquêtes sont obtenues, et leur discordance avec le portrait du phénomène tiré des données policières ou des données provenant des services sociaux et médicaux [67].

Dans certaines études et plusieurs enquêtes populationnelles, dont l’Enquête sociale générale (ESG) sur la victimisation, la violence conjugale est définie et mesurée sur la base d’un ensemble d’actes violents entre partenaires dont la gravité varie. La plupart des instruments utilisés dans ces études considèrent uniquement les dimensions physique et sexuelle de la violence pour établir la prévalence, et s’attardent peu aux dynamiques de pouvoir et de contrôle. Les principales limites des instruments font en sorte qu’il est difficile de mesurer d’autres formes de violence conjugale, la directionnalité de la violence, les motivations sous-jacentes (contrôle coercitif, autodéfense, réciprocité, etc.) et le contexte dans lequel (ex. : niveau de contrôle) s’inscrit cette violence.

En ce qui a trait aux données issues des statistiques policières, elles ne représentent qu’une portion de la violence commise en contexte conjugal. Les enquêtes populationnelles révèlent qu’une faible part des incidents de violence conjugale est signalisée aux autorités policières. En 2009, seuls 20 % des Québécoises et des Québécois ayant été victimes de violence physique ou sexuelle de la part d’un conjoint ou d’un ex-conjoint ont déclaré avoir rapporté l’incident à la police [68]. Par ailleurs, certaines manifestations de violence conjugale ne correspondent pas à des infractions criminelles; c’est notamment le cas de la violence verbale (à l’exception des menaces de mort).

Au Québec, les statistiques colligées de façon cyclique qui permettent de dresser un portrait de l’ampleur, de l’évolution, des caractéristiques et des conséquences de la violence conjugale proviennent de deux sources principales : les données d’enquêtes populationnelles (victimisation autorapportée) et les infractions criminelles commises dans un contexte conjugal rapportées à la police (voir l’encadré « Sources et limites »).

La violence conjugale mesurée à l’échelle de la population dans l’ESG sur la victimisation

Au Québec, aucune enquête populationnelle réalisée régulièrement ne mesure la violence conjugale vécue par les femmes et les hommes adultes dans leurs relations conjugales ou intimes. Les seules données récoltées à un intervalle régulier sont celles tirées de l’ESG sur la victimisation que mène Statistique Canada. Les tailles d’échantillon pour le Québec limitent cependant l’analyse approfondie des données à l’échelle de la province [69]. Aussi, elles ne permettent pas de faire des estimations pour chacune des régions, ce qui limite l’étude des variations régionales de la violence conjugale. En 2014, on y apprend que 3,5 % des Québécois ont vécu de la violence conjugale6 (physique ou sexuelle) de la part d’un conjoint ou d’un ex-conjoint dans les cinq ans précédant l’enquête [70]. Tant au Québec qu’au Canada, les données de l’ESG 2014 présentent une prévalence de la violence conjugale similaire entre les hommes et les femmes [71]. Cependant, quand les items sont analysés de façon isolée, on distingue des différences. Par exemple, les femmes sont plus susceptibles de vivre les formes plus sévères de violence conjugale documentées dans l’enquête, soit avoir été agressée sexuellement, battue, étranglée, menacée avec une arme à feu ou un couteau (34 % des femmes contre 16 % des hommes à l’échelle canadienne7).

La criminalité commise en contexte conjugal

Au Québec, en 2014, 18 746 personnes ont été victimes de crimes contre la personne commis dans un contexte conjugal8 [9]. Ces crimes ont fait 14 716 victimes féminines (79 %) et 4 030 victimes masculines (21 %). Lorsqu’on analyse ces statistiques par type d’infraction, il se dégage que les femmes composent la totalité ou presque des victimes d’homicides (100 %), d’enlèvements (100 %), de séquestration (97,8 %) et d’agressions sexuelles (97,2 %). Les victimes âgées de 18 à 29 ans constituent le groupe d’âge chez qui le taux d’infractions commises dans un contexte conjugal est le plus élevé, et ce, particulièrement chez les femmes. Les auteurs présumés de violence conjugale étaient des hommes 8 fois sur 10 (80,5 %).

En ce qui a trait à la répartition régionale de la criminalité commise en contexte conjugal, on observe des variations considérables à travers les régions du Québec (figure 1). La Côte-Nord, l’Abitibi-Témiscamingue et l’Outaouais affichent les taux de violence conjugale les plus élevés, tandis que les taux les plus bas se trouvent en Chaudière-Appalaches, en Estrie, dans le Bas-Saint-Laurent et le Nord-du-Québec9 [9]. Outre le fait qu’il puisse y avoir des différences réelles dans la survenue de la violence conjugale, différentes raisons peuvent expliquer ces variations territoriales : les caractéristiques démographiques de la population (ex. : structure des âges), le taux de signalement des infractions à la police, les politiques, procédures et pratiques d’application des lois des services de police locaux, les facteurs socioéconomiques et les changements technologiques [72].

Figure 1 – Taux de criminalité commise en contexte de violence conjugale, par région et pour l’ensemble du Québec, 2014

 

Source : Ministère de la Sécurité publique. Données du Programme DUC 2.

Évolution de la violence conjugale au Québec et au Canada

Le taux de prévalence de la violence conjugale mesuré dans l’ESG a diminué de façon importante depuis 1999 (tableau 2). Au Québec, il est passé de 7,4 % à 3,5 %. Cette diminution s’observe également dans les homicides conjugaux (tableau 3). Les facteurs pouvant expliquer la tendance à la baisse des homicides conjugaux au Canada ont été explorés par Dawson et ses collaborateurs (2009). Les deux facteurs qui ressortent de leur analyse sont la diminution de l’écart dans les niveaux d’emploi entre les hommes et les femmes, et l’augmentation du niveau de scolarité des hommes [73]. L’hypothèse de l’effet bénéfique et préventif de la réduction des inégalités entre les sexes sur les homicides conjugaux se démontre donc empiriquement. Par contre, le taux d’infractions commises en contexte conjugal est en légère hausse (tableau 3). Cette augmentation des infractions signalées à la police pourrait être due notamment aux campagnes sociétales de sensibilisation visant à diminuer la tolérance sociale à l’égard de la violence conjugale et à faire ressortir son caractère criminel. Elle peut également s’expliquer par les efforts déployés pour améliorer la réponse policière dans les situations de violence conjugale (ex. : protocoles, formation, escouades dédiées).

En somme

  • Malgré une prévalence de la violence conjugale autorapportée similaire entre les hommes et les femmes dans les enquêtes populationnelles sur la victimisation, ces statistiques démontrent que les femmes subissent davantage les formes les plus sévères de violence conjugale. Elles sont aussi les principales victimes d’infractions commises en contexte conjugal.
  • Des variations selon le sexe, les groupes d’âge et les régions dans les taux de criminalité commise en contexte conjugal démontrent que la violence conjugale n’est pas répartie de façon uniforme au Québec, et ce, même si l’ensemble des régions et des groupes d’âge sont touchés.
  • Depuis quelques années, on observe une évolution à la baisse de la violence conjugale autorapportée et des homicides conjugaux, mais une hausse du taux d’infractions contre la personne en contexte conjugal.

  1. Enquête populationnelle : collecte d’information qui consiste à documenter un phénomène auprès d’une population définie. L’analyse des données recueillies permet de faire des estimations pour l’ensemble de la population (inférence) lorsque les données sont recueillies à partir d’un échantillon représentatif de la population.
  2. Le débat de la symétrie de la violence dépasse largement le cadre de ce chapitre. Un lecteur qui voudrait approfondir davantage cette question peut, notamment, se référer aux articles suivants : [65–67].
  3. Bien que l’ESG documente la violence psychologique et l’exploitation financière, seules les dimensions physique ou sexuelle de la violence sont prises en compte dans le calcul de la prévalence rapportée ici et telle que publiée par Statistique Canada.
  4. Cette donnée est non disponible pour le Québec compte tenu du risque de divulgation en raison de petits nombres [71].
  5. Les infractions commises en contexte conjugal sont celles qui ont été signalées à la police et jugées fondées par les autorités policières.
  6. Les données pour la région Nord-du-Québec sont incomplètes en raison de l’absence de données provenant de certains corps de police autochtones [9].

9 conséquences de la violence conjugale.

La violence conjugale est une épreuve importante dans une vie. Elle a de nombreuses répercussions sur la santé physique, sociale et psychologique des victimes, ainsi que sur leurs enfants, leurs proches et la société. Il importe de connaître ces conséquences pour mieux comprendre les réactions des victimes et les soutenir adéquatement. Les réactions des victimes de violence conjugale sont normales, c’est la violence conjugale qui ne l’est pas.

 

Souffrance émotionnelle

La violence a de nombreuses conséquences sur le bien-être psychologique des victimes: détresse, perte de confiance et d’estime de soi, anxiété, crises d’angoisse ou de panique, tristesse, honte, culpabilité, tension intérieure, stress, colère, désespoir, etc.

Confusion

La violence conjugale se produit dans un cycle, qui fait en sorte que la situation n’est pas toujours la même. La victime passe de moments de tension où elle ne sait pas trop ce qui se passe, à des moments où la violence éclate, et à des moments d’accalmie où le conjoint s’excuse… tout en la manipulant pour lui insuffler (ou lui imposer) une vision de la situation où elle est partiellement (ou entièrement) responsable. Il est donc normal de voir la victime passer de moments où elle voit plus clair dans la situation, à des moments où elle doute d’elle-même, et où il lui est très difficile de voir la violence.

Stress post-traumatique

Les victimes de violence conjugale et leurs enfants présentent souvent les symptômes de l’état de stress post-traumatique, au même titre que les vétérans de guerre. On peut constater des souvenirs envahissants, des cauchemars et des flashbacks très souffrants pour la victime. Elle peut tenter de s’en protéger par une coupure émotionnelle, une consommation d’alcool ou de drogue, l’incapacité à parler de la situation, l’oubli, etc. Cet état d’alerte constant a également d’autres effets : des sursauts, des difficultés de concentration, de la déprime, de l’irritabilité, etc.

Détérioration de l’état de santé physique

L’état de stress subi sur une période prolongée a des répercussion sur le bien-être physique des victimes: difficultés liées au sommeil, à l’alimentation, perte d’énergie, faible système immunitaire, etc. Les victimes peuvent également souffrir de différents problèmes de santé associés au stress, tels que les syndromes de douleur chroniques, les problèmes cutanés ou digestifs, des maux de têtes fréquents, etc.

Blessures physiques

Lorsque la violence physique est présente, elle peut entraîner des blessures telles que des ecchymoses, des fractures, des dents cassées, une perforation des tympans, des commotions cérébrales, etc. Les blessures infligées aux victimes peuvent être très sérieuses, comme c’est le cas des lésions cérébrales traumatiques causées par des commotions cérébrales répétées, et peuvent bouleverser la vie des victimes à long terme et même entraîner la mort.

Altération des liens avec les proches

La violence conjugale affecte négativement le réseau social de la victime. Elle peut être la source de conflits interpersonnels et la victime peut perdre la confiance et l’estime de ses proches ou même perdre ses liens avec eux. L’isolement qui résulte de la violence conjugale est souvent très important. La situation a également des répercussions sur les proches eux-mêmes: épuisement, stress, impuissance, etc.

Altération de la relation avec les enfants

Dans une famille sans violence, les parents se partagent le pouvoir et exercent ensemble l’autorité parentale. Dans une situation de violence conjugale, l’agresseur prend tout le pouvoir dans la famille, tandis que la victime n’en a presque plus. Ce déséquilibre affecte beaucoup les enfants et les adolescents, qui y réagissent souvent en refusant l’autorité de la victime. Le déséquilibre familial peut aussi faire en sorte que certains enfants se sentent le devoir de protéger la victime, ce qui peut devenir très dangereux pour eux.

Pertes financières, pauvreté et exclusion sociale

La violence conjugale coûte très cher aux victimes: frais d’avocat (souvent dans des procédures légales interminables et répétées à différentes instances), frais de déménagement et de réorganisation, traitements médicaux, psychothérapie (souvent à long terme, pour la victime et pour ses enfants), congés de maladie, incapacité de travailler de façon prolongée ou permanente, etc. La pauvreté guette souvent les victimes de violence conjugale et ce, peu importe leur statut social d’origine ou leur scolarité. Certaines victimes de violence conjugale peuvent se retrouver complètement exclues du marché du travail et à la rue de façon durable.

Coûts sociaux

La violence conjugale met une pression importante sur le système de solidarité sociale et entraîne des coûts très importants pour notre collectivité: coût des services de sécurité publique, coût des procédures judiciaires criminelles, civiles ainsi qu’à la protection de la jeunesse, coûts pour le système de santé et pour les services sociaux, prestations d’assurance-emploi et de la sécurité du revenu, etc. Les employeurs font également face aux effets de la violence conjugale sur les victimes: absentéisme, baisse de rendement, perte de talents, hausse des coûts associés aux assurances collectives, etc.

Se remettre des conséquences de la violence conjugale prend du temps.
Lorsque la violence se poursuit après la rupture, il est encore plus difficile
d’en surmonter les répercussions.

Les victimes de violence conjugale ont besoin de soutien continu et d’aide concrète
pour les soutenir dans la reprise du pouvoir sur leur vie, tant et aussi longtemps
qu’elles n’auront pas retrouvé la sécurité et la paix.

Etre là pour une victime de violence, c’est important. Rester là tant que les répercussions de la violence sont présentes dans sa vie l’est encore plus.

 

Prendre son Envol adhère au dispositif Angela.

Le dispositif Angela est déployé dans le cœur de ville d’Alès.

Ce dispositif vise à créer un réseau sur et solidaire de lieux ( bars, hôtels, commerces, administrations) ayant la capacité d’assister et de soutenir des personnes qui se trouvent en situation de harcèlement de rue.

Comment ça marche ?.

  • Vous êtes victime de harcèlement de rue
  • vous cherchez à vous mettre à l’abri pour vous sortir de cette situation
  • entrez dans un établissement refuge (repérable grâce au macaron sur les vitrines) et demandez Angela
  • Vous êtes pris en charge dans l’établissement (mise en sécurité, alerte des secours)

L’association Prendre Son Envol à signé la charte d’engagement et adhère au dispositif Angela.

Prendre son Envol situé au 10 rue Michelet, galerie Centre Alès et donc un, des établissement refuge.

 

 

Les auteurs de violences conjugales: comprendre et agir.

En finir d’oublier d’aller aux sources des forces de destruction, de haine et de déshumanisation du lien social

1S’il n’est déjà pas facile d’appréhender les forces de destruction et de déshumanisation qui se glissent au sein des diverses formes de lien social pour les dénoncer et les « travailler », combien il est difficile de les faire reconnaître et de les faire changer dans le domaine de l’idéologique, du politique et du sociétal ! Combien il est également difficile de les repérer en tant que telles et de chercher à les transformer quand c’est au niveau subjectif et intersubjectif que s’entendent l’agressivité, la violence voire l’horreur. Des défenses individuelles et collectives se hérissent pour ne pas regarder, entendre, travailler de face la violence là où elle jaillit. Force est de la considérer du point de vue des victimes : ce qui est déjà important, inéluctable, normalement de droit et de devoir. Mais il a fallu encore beaucoup de temps pour la considérer depuis d’autres points de vue : l’avac (Association vivre autrement ses conflits) a tenu, dès sa création, à aborder ces graves situations de violence depuis plusieurs places.

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L’avac est un regroupement de personnes constitué fin 1995, à Toulouse, à l’initiative d’une psychologue clinicienne, thérapeute familiale psychanalytique. Elle constatait, à travers son exercice professionnel au sein d’un chrs accueillant femmes et enfants, une lacune quant à la prise en charge des hommes violents. Le conseil d’administration de l’avac regroupe des enseignants-chercheurs, des sociologues, des psychologues, des psychothérapeutes, des psychosociologues, des travailleurs sociaux, des responsables de structures sociales, des médecins, des personnes engagées dans l’humanitaire, toutes et tous intéressés par les problèmes psychiques en lien avec les malaises sociaux, et en particulier par l’incidence de la violence sur les individus et les familles.
La violence en famille est un phénomène social de plus en plus pris en considération et qui se donne les moyens d’être entendu, reconnu, pris en charge. Mais tous les collaborateurs et toutes les collaboratrices de l’association ont acquis la conviction que, pour faire reculer les violences faites aux femmes, il importait de travailler en direction des hommes auteurs de violences. L’avac a donc été dès ses débuts dans le petit groupe des quelques associations françaises qui offrent des consultations ouvertes aux hommes. Tout récemment, en plus du cadre individuel ou de couple, se sont mises en place des modalités pour un travail interrelationnel en groupe de parole pour les hommes pris dans des attitudes violentes, car le malaise psychique de l’homme violent reste encore peu entendu.

 

3Les images de la mort, de certaines morts, le désir de destructivité, voire de destruction, éveillent le déni, le clivage, la forclusion, le dégoût. L’homme, qui en est le plus souvent le porteur, est sinon craint, en tout cas enfermé dans une représentation de « monstre ». Il est pourtant essentiel qu’il soit abordé, parfois affronté, contrecarré, endigué (et le judiciaire en est le principal moyen), en tout cas dénoncé (par les proches, la ou les victimes…).

4Il est tout aussi essentiel qu’il ne soit pas réduit à cette seule dimension de sa personnalité, mais au contraire mis devant l’évidence que cette violence fait partie de tout l’ensemble de sa vie émotionnelle, sentimentale, de sa subjectivité.

5Il est enfin fondamental que la réalité de cette composante de violence – en général décrite comme s’imposant, incontrôlable, inexplicable a priori – soit reconnue. De cette réalité, il n’est ni plus ni moins « homme » (dans les diverses acceptions d’une telle notion) : il n’a pas à en faire les feux de la rampe à la Rambo ; il n’en est pas pour autant un paria.

6Nous pouvons alors souligner au porteur d’une telle destructivité que sa place n’est pas dans une quelconque marge de la société (voire hors du lien conjugal ou du lien familial, pour ce qui nous concerne ici aujourd’hui), mais que c’est en ayant place dans ce sociétal qu’il peut évoluer (sauf graves pathologies qui ne sont pas ce qui est dominant chez les acteurs de violence). Il pourra changer dans son mode à être et dans son mode à faire lien avec la personne la plus mêlée, la plus impliquée dans sa vie affective. Il pourra s’approcher de ce mode à vivre où l’autre est à respecter, et non à dominer, à posséder, à vampiriser, et où lui-même devra se montrer comme un être humain respectable car attentif (ou pour le moins, le plus possible vigilant) à l’humanité de l’autre et de lui-même.

Que faut-il pour qu’un tel trajet s’effectue ou pour le moins s’initie ?

7Un auteur de violence doit :

  • comprendre que sa destructivité, sa destruction, est reconnue, nommée en tant que telle (c’est la sortie du déni, du clivage, de la forclusion…). L’intervention de la justice est prépondérante à ce niveau : elle le désigne responsable et coupable. Mais il est important que tout travail psychologique, quel qu’il soit, commence par cette énonciation : « votre attitude est correctionnalisable » ; cela signifie à la fois :
    • que la justice a une place primordiale, lieu marquant de ce qui peut se faire et de ce qui ne se fait pas,
    • que la place d’une consultation psychologique à l’avac (pour un seul entretien ou pour une psychothérapie) s’inclut dans une dimension sociétale, mais qu’en même temps ce n’est pas là que se « crée » la loi, ce n’est pas un lieu de jugement. Mais c’est aussi donner de l’importance au réseau dans lequel vit l’avac : la justice, la police, la gendarmerie, les maisons de justice et du droit, le spip, les représentants du social, de l’éducatif, de l’information, du droit des femmes et des familles, de la délégation régionale du droit des femmes… ;
  • pouvoir être accueilli, trouver un lieu où sa destructivité soit déposée, entendue avec une ouverture la plus fine possible, jusqu’aux racines dans lesquelles elle est intriquée : iceberg d’un ferment social et subjectif personnel, interpersonnel, intragénérationnel et intergénérationnel. Cela implique un accueil effectivement sans jugement ni préjugé, sans compassion non plus ;
  • trouver une écoute convaincue que son identité n’est pas la violence, mais qu’elle inclut cette violence, en capacité d’interagir avec d’autres éléments de sa subjectivité ; alors il aura les moyens de dénouer ce qui l’a conduit à être sur un mode à vivre sa symptomatologie d’une manière inacceptable pour autrui et pour lui-même.

Tout cela passe par une rencontre, voire un processus préthérapeutique, et si possible thérapeutique, comme cela est mis en place par les psychologues et psychothérapeutes de l’avac, d’obédience psychanalytique (quelques-uns sont aussi psychanalystes et, parmi eux, certains sont des psychothérapeutes psychanalystes du couple et de la famille). Les psychothérapeutes sont, dans un premier temps, convoqués à la place de témoins passifs de cette violence, pour en devenir progressivement des témoins actifs : « l’action » thérapeutique est d’être facteur de symbolisation, ce qui donne sens à des pulsions, des sentiments, des angoisses, des fantasmes. En même temps qu’elle est levier de libération de parole et de sens, elle est aussi « pare-excitation » : arriver à ne pas se laisser « envahir », « déborder » par ce « volcan », selon les termes des auteurs de violence, mais à l’endiguer au plus tôt, en particulier dans une mise en mots à la place des gesticulations de tout genre, de tout sens et de tout non-sens. 

Quels processus l’avac met-elle en place pour cela ?

8L’avac dispose d’un éventail de possibilités pour être au plus proche de la demande et surtout de ce qui est le plus adapté à la problématique et à la personnalité de chacun :

  • une psychothérapie individuelle ;
  • une psychothérapie de couple ;
  • une psychothérapie de Monsieur en présence de Madame, en particulier dans des cas de grands déficits d’idéation chez Monsieur, de pauvreté d’élaboration (avec l’accord bien sûr de l’un et de l’autre) ;
  • un groupe de parole d’hommes auteurs de violence, animé par un couple mixte d’intervenants psychothérapeutes.

Ces divers dispositifs, disponibles en permanence à l’avac, peuvent être utilisés éventuellement de manière concomitante ou successive (dans la mesure où un psychothérapeute sera désigné sur un seul cadre de travail psychothérapeutique, un autre interviendra dans un autre cadre au sein de l’avac). Lors d’un entretien préliminaire qui évalue la pertinence d’un choix ou d’un autre, il y a aussi une vigilance à ce que la venue de Monsieur à l’avac ne soit pas une volonté d’emprise sur Madame, dans le cas où elle-même s’y rend également. 

Qu’en est-il des groupes de parole d’auteurs de violence ?

9Il y a des nuances dans le protocole de déroulement selon :

  • qu’il s’établit en lien avec le spip dans le cadre de l’obligation de soin : ce sont alors des « stages de responsabilisation » ;
  • qu’il propose un lieu regroupant : soit des hommes qui ont participé aux stages de responsabilisation mais qui souhaitent approfondir leur démarche personnelle par ce moyen ; soit des hommes qu’un médiateur judiciaire d’une Maison de la justice et du droit (mjd) a motivés pour un tel lieu de réflexion, d’analyse et de changement ; soit enfin des hommes qui ont d’eux-mêmes décidé de leur participation. Ils peuvent mener, en parallèle ou non, d’autres cadres de travail psychologique.
  • qu’il se passe en collaboration avec les mjd, des « ateliers de sensibilisation », sans prétention thérapeutique mais dont le but est précisément d’attirer l’attention sur les problématiques liées aux expressions violentes chez les hommes suivis par ces services (ceci est en projet).

Les deux premiers types de groupes sont toujours introduits par un entretien individuel qui a pour but de repérer d’une part tout élément psychique temporaire ou structurel qui serait contraire à une participation au groupe, et d’autre part, d’apprécier la motivation personnelle à tirer parti de cette participation. 

10En séances de groupe de parole, l’observation montre que la prise de parole et l’exposé de chaque situation vécue par les personnes présentes se font d’emblée avec plus ou moins de précision et de recul, mais en toute responsabilisation, avec une émotion non affectée qui en signe l’authenticité. Ce qui diffère entre les participants, c’est leur capacité d’analyse assortie d’un désir d’aller plus loin dans la compréhension personnelle de leur violence, leur possibilité d’accepter des éléments interprétatifs et le degré d’autonomie psychique dont ils semblent faire preuve ou qu’ils sont en mesure de vivre dans leur vie filiale, parentale, familiale, professionnelle ou de couple. Ces éléments font ressortir quelques-uns d’entre eux comme immatures ou plus faibles, plus dépendants. À l’inverse, d’autres stagiaires peuvent être qualifiés de « tempéraments forts » sans que ce soit pour autant vécu comme une valorisation sociale. Les différences d’âge et la variété des professions sont plutôt un stimulant qu’un inconvénient, et elles sont reconnues ainsi par les participants.

Qu’attend un participant de tels groupes ?

11Pour les groupes d’hommes montés avec le spip apparaît une quête de mise en conformité avec les obligations qui ont entraîné la condamnation. Le cadre judiciaire coercitif qui les conduit vers le travail psychologique à l’avac déclenche une interrogation qui n’aurait pas été menée en d’autres circonstances. Mais la décision d’obligation de soins n’est pertinente et efficace qu’à la condition d’être reprise judicieusement dans le suivi au spip où le conseiller d’insertion et de probation évalue le juste moment pour le proposer. L’entretien préliminaire à l’avac reprendra encore autrement ce passage à l’acte pour le situer avec l’intéressé dans la globalité de son histoire, de sa personnalité, de ses mal-être (importance du lien au père, mais peut-être d’abord de celui à la mère). Sous cet angle, pour certains, l’effort à fournir pour suivre le stage et s’y impliquer participe volontairement à une sorte « d’expiation » devant le remords et la honte de leurs actes. Mais un tel but se retrouve dans toute forme de stage.

12Souvent, pour les migrants primo-arrivants ou encore de première ou deuxième génération, c’est une attente de trouver des hommes qui, comme dans un rite initiatique, leur apprendront à être un homme, en particulier dans leur rencontre et leur compagnonnage avec une femme. Dans le transfert vite établi sur le couple thérapeutique mixte se découvre l’image du calme et du respect entre un homme et une femme.

13La plupart manifestent une attente de s’exprimer et saisissent une occasion souvent jamais trouvée jusqu’alors de parler, de parler de soi, d’entendre les autres, de chercher à comprendre ce qui les a amenés à de tels comportements.

Ce qui fonctionne dans de tels groupes

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  • L’entraide à la conceptualisation de l’un à l’autre des participants pour des personnalités qui n’ont pas maturé psychiquement, qui ont des défaillances dans la mentalisation et dans l’élaboration de leurs émotions, de leurs sentiments, dans la mise en pensée de leurs angoisses.
  • L’évolution vers une identification masculine plus harmonieuse.
  • La mise en place d’une réflexion avant l’action, liée à l’écoute attentive de la parole de chacun.
  • La possibilité d’une vision nouvelle de ses capacités de réaction à expérimenter le respect de l’autre, suite à l’expérience racontée par les autres.
  • La capacité retrouvée d’une mise en perspective de chaque histoire singulière.
  • Une renarcissisation en tant qu’homme et père.
  • Le rôle de la peur (voire de l’angoisse) est repéré comme un élément moteur des conflits et de la violence : peur de perdre l’autre, peur de la solitude, peur de ne pas être compris, pas reconnu, pas aimé, peur de « la femme », peur aussi de parler.

 

Qu’est-ce qui est mobilisé chez le psychothérapeute dans un travail thérapeutique avec les auteurs de violence ?

15Ce ne seront pas des choses exceptionnelles pour un psychanalyste psychothérapeute : ce qui va être particulièrement mobilisé avec de tels hommes, c’est la capacité à s’identifier et à être avec sa propre destructivité, son désir de mort, d’emprise, de toute-puissance, de domination pour accepter les leurs. Cela suppose d’être proche de ses propres jouissances perverses pour ne pas rejeter les leurs et d’avoir « réalisé » la place immense de ses propres fonctionnements archaïques pour voyager avec les leurs, prédominants chez de telles personnalités. Cela présuppose aussi d’avoir accepté les avatars de sa maturation psychique, avec ses affres et ses délices en tant que bourreau et en tant que victime, tout comme d’avoir côtoyé, déterré et élucidé ses fantasmes, avec leurs angoisses et leurs douceurs dans leurs représentations du masculin et du féminin.

16En bref, un métier qui est un sport au milieu de tant de combats…

REPORTAGE. Violences conjugales : huit femmes sur dix victimes, comment éviter la récidive ?

En France, huit femmes sur dix déclarent avoir déjà subi des violences conjugales. En occitanie, un centre de prise en charge des auteurs de ces violences au sein du couple a pour objectif d’éviter la récidive. Stages et colloques tentent d’enrayer ce dangereux fléau.

« Battez-vous votre femme ? » En 1975, l’émission « Aujourd’hui Madame »  pose directement la question des violences dans le couple à des hommes croisés au hasard. Ces archives de l’INA parlent d’elles-mêmes.

 » – Vous la battez souvent votre femme ? 

 – Non, jamais.

 – Et vous monsieur ?  

 – Personnellement, je ne bats pas la mienne, bien que souvent j’en ai envie…

 – Moi, oui. Un coup malheureux. Elle ne le méritais pas spécialement, un coup de colère…

 – Des petites gifles, trois fois rien. » 

Presque 50 ans plus tard, huit femmes sur dix déclarent avoir subi des violences conjugales. Dans la lutte contre ce fléau, un constat : la seule condamnation en justice des auteurs ne suffit pas.

Dans cette salle, une dizaine d’hommes, tous condamnés par la justice, suivent un stage de responsabilisation, coordonné par le centre de prise en charge des auteurs de violences conjugales de l’Hérault,  le CPCA Sud Occitanie.

« On peut faire le constat ensemble c’est que si vous êtes là aujourd’hui, c’est qu’il y a quelque chose qui a dysfonctionné dans votre couple. On est là pour discuter, on est là pour réfléchir ensemble sur ce qu’il s’est passé », annonce d’emblée l’animatrice du stage, avant d’entamer le débat avec les auteurs de ces violences au sein du couple.

« – C’est quoi les violences verbales ? », interrogent-elles hommes présents.

 » – Les insultes », répond l’un d’eux.

 » – Et les violences physiques ? » poursuit-elle.

 » – C ‘est taper… » , murmure un participant.

On a un discours de victimisation au démarrage du type : « ce n’est pas ma faute » ou « on m’a poussé à bout » ou encore « c’est la société qui m’a mis en cause. »

Anne Krugler, intervenante socio-judiciaire association d’entraide et de reclassement social

« On a donc un discours de victimisation au démarrage des stages et au fur et à mesure des interventions, ils vont pouvoir se rendre compte de leurs responsabilités et surtout des conséquences que ça a pour eux et pour leur entourage. Petit à petit, on les amène à la responsabilisation et à la prise de conscience des faits », explique Anne Krugler, intervenante socio-judiciaire association d’entraide et de reclassement social.

 

Eviter la récidive

Pendant deux jours, les intervenants se succèdent. Psychologues, juristes et travailleurs sociaux échangent avec les stagiaires sur la gestion des émotions, les rapports de domination, les addictions. Avec un objectif clair : éviter la récidive.

« En France, les centres de prise en charge des auteurs de violences conjugales n’existent que depuis 2021, donc on a pas encore assez de recul sur ces questions. Mais par exemple au Québec, où ils sont très avancés sur ces questions, les résultats sont encourageants », indique Charlotte Cedo, directrice adjointe du centre de prise en charge des auteurs de violences conjugales à Montpellier

La prise de conscience est une première étape. Le centre de prise en charge des auteurs de violences conjugales propose ensuite des suivis adaptés à chaque situation. Les violences dans le couple concernent toutes les tranches d’âges et toutes les catégories sociales.

 

Focus sur la loi concernant « LES VICTIMES DE VIOLENCES CONJUGALES »

La loi visant à protéger les victimes de violences conjugales est la transcription législative des travaux du Grenelle des violences conjugales.

 

La loi a été promulguée le Elle a été publiée au Journal officiel du 

La loi entend mieux protéger les victimes de violences conjugales.

Pour cela, elle permet la suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant mineur au parent violent.

En cas de violence au sein du couple, l’inscription au fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes est automatique (sauf décision contraire du juge) pour les infractions les plus graves. La notion de harcèlement au sein du couple est considérée comme une circonstance aggravante. La procédure de médiation en matière pénale et en matière civile est encadrée dans les cas de violences conjugales.

La loi décharge de leur obligation alimentaire les ascendants, descendantsfrères ou soeurs de personnes condamnées pour un crime ou un délit portant atteinte à l’intégrité de la personne commis par un parent sur l’autre parent.

Le harcèlement moral au sein du couple qui a conduit au suicide ou à sa tentative est dorénavant puni d’une peine de dix ans de prison et de 150 000 euros d’amende.

La levée du secret médical devient possible lorsque les violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci se trouve sous l’emprise de son auteur. Le professionnel de santé doit s’efforcer d’obtenir l’accord de la victime. En cas d’impossibilité d’obtenir cet accord, il doit l’informer du signalement fait au procureur de la République.

Le loi comporte aussi des mesures en matière de logement (jouissance du logement conjugal attribuée par principe au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence), sur les étrangers victimes de violences familiales ou conjugales, sur l’aggravation des peines en cas de violation du secret des communications ou de géolocalisation par le conjoint et sur la protection des mineurs contre les messages pornographiques.